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COMMENT MOTIVER LES TELECONSEILLERS

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Face au nombre d'appels, au stress généré par le et la routine qui peuvent s'installer, difficile pour les managers des centres de motiver leurs équipes. Les clés? Un environnement soigné, une formation adaptée et des perspectives d'évolution.

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Encore mal considéré, le métier de téléconseiller a du mal à conquérir ses lettres de noblesse. « Les téléacteurs n'ont pas conscience de l 'importance de leur rôle et se sentent dévalorisés », observe Laurence Chabry responsable des offres relation client chez Cegos, spécialiste de la formation. « Pourtant, la situation s'améliore et cette désaffection du métier est moins forte chez les outsourceurs, dont la relation client est le coeur de métier », concède-t-elle. Il n'empêche, dans l'inconscient collectif, le travail en centre d'appels est encore souvent perçu comme synonyme de stress, de précarité et de routine. « Ce cliché, les salariés en souffrent », explique Tanguy de Laubier, dg de BlueLink, prestataire de centre de relation client. Pourtant, dans les équipes, la grogne se fait parfois sentir. Dans la ligne de mire, les conditions de travail et le management. Sur wwwnotetonentreprise.fr, site récemment fermé, de nombreux groupes de relation client figuraient sur la «black list» des entreprises où il ne fait pas bon vivre... Les salariés y dénonçaient de faibles salaires, un management contestable et une ambiance de stress due à la pression du chiffre. Info ou intox? Selon une enquête BearingPoint- SP2C de 2009, le salaire brut moyen des conseillers clients était de 1 528 Euros par mois en 2008. Quant à la pression du chiffre, elle demeure le propre des métiers de front office ou des commerciaux... Il reste que valoriser les métiers de la relation client et fidéliser ses salariés par la formation, les perspectives d'évolution, l'ambiance de travail et la responsabilisation sont une priorité pour les centres.

Laurence Chabry (Cegos)

La difficulté, dans le secteur e la relation client, c'est que la qualité des appels doit être constante.

Frédérique Saint-Pierre (TeleRessources)

Le rôle d'un superviseur est de motiver ses équipes et de leur donner envie de travailler. Pour cela, il doit leur montrer une reconnaissance, en les soutenant et en leur donnant des réponses immédiates.

LES POINTS-CLES
LES CINQ MOTEURS DE LA MOTIVATION

La notion de motivation prend tout son sens dès lors qu'elle s'inscrit dans un métier au contact du client, qui contribue à l'image de L'entreprise. encore faut- il connaître ses leviers et les actionner.

1 UN MANAGEMENT PROCHE ET ATTENTIF

« La difficulté, dans le secteur de la relation client, c'est que la qualité des appels doit être constante », souligne Laurence Chabry, responsable des offres relation client chez Cegos, spécialiste de la formation. Des flux d'appels qui peuvent finir par être «usants». D'où l'importance du premier niveau d'encadrement. Très sollicités par les clients, les téléconseillers ont besoin de pouvoir compter sur un management de proximité. « Le rôle d'un superviseur est de motiver ses équipes et de leur donner envie de travailler, souligne Frédérique Saint-Pierre, directrice de l'activité insourcing de TeleRessources. Pour cela, il doit leur montrer une reconnaissance, en les soutenant et en leur donnant des réponses immédiates. » Ce management, représenté par les superviseurs, permet de les soutenir au quotidien, de leur redonner le moral face aux clients et de répondre à leurs questions. Le rôle du superviseur diffère en fonction de l'entreprise et du client. En règle générale, il planifie le travail, est chargé des animations, suit les résultats quantitatifs et qualitatifs, participe à la formation continue, entretient la communication ascendante et descendante, s'occupe des plannings, etc. Le superviseur peut également participer aux projets transversaux tels que l'aide à la mise en place d'un outil CRM, la rédaction des procédures ou la conception de lettres types. La plupart d'entre eux sont passés par des postes de téléconseillers. Leur rémunération est très variable: elle oscille entre le Smic et 3 000 euros bruts par mois. Leurs primes, propres à chaque entreprise, dépendent souvent de la qualité de l'écoute, de l'assiduité, des compétences spécifiques ou des ventes.

2 TRANSMETTRE UNE CULTURE D'ENTREPRISE

Lorsque le centre de contacts est interne, il est important d'y développer le sentiment d'appartenance à l'entreprise. Chez Canal +, par exemple, l'identité se fait très fortement ressentir. L'entreprise profite de son métier, ludique et fortement attractif, pour motiver ses téléconseillers en leur offrant d'assister à des émissions à forte audience, comme Le Grand Journal « Les téléconseillers qui ont eu la chance d'y être invités en parlent encore des mois après! », s'enthousiasme Bruno Mothion, directeur du centre de relation client de Canal + à Rennes. Régulièrement, des journalistes ou chroniqueurs de la chaîne, comme Laurent Weil, Darren Tulett ou Isabelle Moreau, se déplacent dans les centres pour rencontrer les équipes.

Chez les prestataires, le sentiment d'appartenance se fait ressentir différemment. Le collaborateur est, certes, salarié, mais surtout ambassadeur de la marque pour laquelle il est missionné. « Les valeurs et les objectifs des deux partenaires doivent coïncider, faute de quoi le téléconseiller est forcément perdu », intervient Virginie Dizière, chef de pôle chez CCA International. Pour éviter la confusion, le poste de téléconseiller comporte deux aspects bien distincts: l'aspect métier (gestion de la relation clientèle, techniques, etc.), qui s'applique à n'importe quel client, et l'aspect opérationnel, relatif à l'activité du client pour lequel il travaille. Ces deux compétences s'acquièrent par le biais de formations. « Il n'y a donc pas d'opposition entre l'appartenance au prestataire, qui formate les aspects métier, et la représentation d'un client, développe Elisabeth Vrignaud, responsable recrutement chez CCA International. Il s'agit, au contraire, d'éléments complémentaires: l'expertise de la relation clientèle de l 'outsourceur est mise à disposition de ses clients. Il s'agit alors de décliner et de personnaliser pour le client des techniques métier. »

3 DE LA FORMATION, ENCORE ET TOUJOURS

La formation est probablement le principal relais de la professionnalisation de ces métiers. « Il est impératif de former les collaborateurs pour qu 'ils soient vite opérationnels, avec un développement des compétences en continu », indique Laurence Chabry qui estime qu'un téléconseiller a acquis son métier lorsqu'il est capable de comprendre le contexte opérationnel et émotionnel de chaque client, de différencier son approche et de personnaliser sa réponse. Il doit aussi pouvoir générer l'adhésion du client à ses propositions, et instaurer un rapport humain cordial et authentique avec lui. Ce qui nécessite de nombreuses formations préalables. Selon Elisabeth Vrignaud, la formation métier (techniques, savoir-faire et savoir être... ) dure entre six et douze mois, selon le niveau initial de l'individu. La formation produit (procédures, offres et outils spécifiques) varie entre une semaine et un mois. La montée en compétence s'effectue entre trois et six mois, temps nécessaire pour que le téléacteur soit confronté à l'ensemble des cas clients. « La diversité d'activités exercées (types et secteurs) permettra d'accéder à une meilleure maîtrise du métier. Des expériences cumulées supérieures à six mois sur une même activité permettent à un téléconseiller d'être considéré comme expert au bout de trois à cinq ans », ajoute Elisabeth Vrignaud. « La formation conditionne la motivation, car si un conseiller n'est pas à un niveau optimal, il perd confiance en lui », estime Ivan Tenicheff responsable du service clients chez Kompass International. Dans la plupart des centres, les téléconseillers sont écoutés et évalués au quotidien, ce qui leur permet d'évoluer. Parfois décriées, ces écoutes restent un levier de progrès. Elles permettent de donner des conseils sur des problèmes récurrents et d'y trouver des solutions, mais aussi de situer le niveau de compétences du téléconseiller. Pour Laurence Chabry, « les écoutes sont nécessaires, mais supposent un climat de confiance et un accompagnement ». Pour cela, les managers doivent montrer que l'écoute optimise le travail, et n'est pas juste un moyen de contrôle. Chez TeleRessources, société spécialisée dans l'ingénierie des ressources humaines dédiées à la relation client, on propose aux téléconseillers de s'auto-évaluer: une fois leurs objectifs fixés avec leur superviseur, chacun d'eux dresse son bilan et en discute avec sa hiérarchie. Après un an d'expérience, les téléconseillers participent aux écoutes de leurs collègues et en dressent le bilan avec un manager. « Nous proposons aussi l'intervention de coachs extérieurs, déconnectés de la hiérarchie, pour effectuer des écoutes et les débriefer », ajoute Frédérique Saint-Pierre. En parallèle, les téléconseillers sont formés aux situations difficiles, comme la gestion des confits avec les clients ou la maîtrise du stress, véritable fléau des plateaux.

4 DES PERSPECTIVES D'EVOLUTION

Si la formation est si primordiale, c'est qu'elle permet au collaborateur de progresser et de construire son avenir professionnel. Un axe stratégique, car les centres s'efforcent aujourd'hui d'embaucher des candidats évolutifs et ambitieux. « C'est important, car ce sont eux qui, ensuite, vont monter en compétences et évoluer vers les postes de superviseurs », illustre Bruno Mothion. En jeu, l'autre fléau des centres: le turnover. Tous les ans, les managers dressent un bilan avec chaque téléconseiller et évoquent les possibilités de mobilité interne. Des plans complexes à échafauder, a fortiori chez les outsourceurs. « A chaque fois qu'un téléconseiller change de donneur d'ordres, c'est comme s'il changeait d'entreprise. Tout diffère... La culture, les outils, la problématique... », explique Virginie Dizière. Bien que la mobilité interne n'engendre pas forcément de hausse salariale, elle permet d'enrayer la routine. Malheureusement, tout le monde ne pourra pas progresser, car les perspectives restent rares. D'autant que, comme le rappelle Tanguy de Laubier, directeur général de BlueLink, « un agent très compétent ne deviendra pas forcément un bon manager ».

5 DES SALARIES RESPONSABILISES

« Pour une implication au quotidien, nous organisons des réunions d'échange sur l'optimisation du travail, explique Ivan Tenicheff (Kompass International) . Les téléconseillers nous semblent être les mieux placés pour suggérer des pistes d'amélioration. » Dans la plupart des centres d'appels, internes ou externes, les managers proposent d'ouvrir le dialogue sur les process, les outils et les moyens d'améliorer les résultats. Les téléconseillers sont régulièrement conviés à des réunions pour remonter des dysfonctionnements, en attendant de leur management un retour sur leurs observations... Faute de quoi cette démocratie participative risque d'être contre-productive! Chez Canal +, on utilise cette méthode collaborative: « Nos conseillers sont soucieux des performances et de la qualité des prestations, décrit Bruno Mothion. A l'occasion de tables rondes, nous parlons de la résolution des process et des résultats du groupe par rapport aux challenges. Ils attendent évidemment un retour sur leurs propositions. La balle est alors dans le camp du management... »

Chez les outsourceurs, les téléconseillers sont également invités à rencontrer les donneurs d'ordres pour exprimer leur avis et obtenir les moyens d'atteindre leurs objectifs. Cela passe notamment par la demande de suppléments d'offres faite au client pour obtenir de meilleurs résultats. « Nous attendons aussi des téléconseillers qu'ils détectent tous les signaux faibles, c'est-à-dire les expressions implicites des clients, pour créer à terme de la valeur ajoutée », précise Tanguy de Laubier. Pour les responsabiliser, certaines entreprises vont plus loin. Chez Canal +, les conseillers seniors se déplacent chez les prestataires pour effectuer une double écoute et favoriser la montée en compétences des salariés. En cas d'absence d'un manager, certains téléconseillers s'essaient même au poste pendant un ou deux jours... Testant ainsi, grandeur nature, leur futur métier?

Tanguy de Laubier (Bluelink)

Nous attendons des téléconseillers qu'ils détectent tous les signaux faibles, comme les expressions implicites des clients, pour créer à terme de la valeur ajoutée.

Claire Chavanon (Vente Privée)

Nos téléconseillers n'ont pas d'objectifs de vente, ils ne courent donc pas après les primes..

VENTE PRIVEE
LE BIEN-ETRE AU PROFIT DE LA QUALITE

Ambiance décontractée, confiance partagée, autonomie et perspectives d'évolution: tels sont les ingrédients d'un management réussi chez vente Privée.

Chez Vente Privée, le maître -mot, c'est la confiance. Chaque téléconseiller a à sa disposition une boîte mail et même un accès à MSN. Lorsque les volumes de travail sont plus faibles, ils peuvent donc se connecter sur Facebook ou chatter un instant avec leurs amis. « Tout cela fonctionne, car une confiance mutuelle s'est instaurée entre eux et nous, souligne Claire Chavanon, responsable de l'équipe de production interne chez Vente Privée. Nos conseillers adaptent leur intensité de travail aux flux de travail. C'est du donnant-donnant et ça fonctionne plutôt bien... »

Ici, pas de script, pas de temps de traitement limité ni de pointeuse pour les entrées et sorties, pas plus que pour les pauses. Installés dans les anciens entrepôts du journal Le Monde, tout de rose décorés et où trônent des oeuvres d'art, les 90 conseillers travaillent dans un environnement design, convivial et décontracté. « C'est le reflet de notre culture d'entreprise, reprend Claire Chavanon. Les gens vivent Vente Privée et font partie d'une seule et même entreprise, dans un vaste open space. »

Pas d'objectifs commerciaux

Chez Vente Privée, la relation client se traite à 85 par e-mails et à 1 5 % via des appels sortants. L'entreprise recherche en conséquence des personnes capables de rédiger en bon français et dotées d'une orthographe quasi parfaite. C'est d'autant plus important que les équipes apportent à chaque mail une réponse personnalisée. Les 90 téléconseillers sont encadrés par neuf superviseurs. Ces derniers vérifient les statistiques d'appels et de mails traités chaque jour, semaine et mois. L'encadrement fait, en outre, appel à des organismes d'audit externe pour vérifier la qualité de la rédaction des réponses. « Les conseillers n'ont pas d'objectifs commerciaux, assure Claire Chavanon. Leur rôle consiste à apporter du conseil aux clients et à traiter leurs réclamations. Ils ne courent donc pas après les primes... » Ils perçoivent un salaire brut moyen de 1 800 euros par mois, majoré de deux primes semestrielles et d'une prime de participation dépendant des résultats de l'entreprise. Cette dernière a été équivalente à deux mois de salaire ces trois dernières années.

Enfin et surtout, l'entreprise s'efforce d'offrir à ses salariés des perspectives d'évolution. « Au bout de trois ans, on commence à essouffler et on a besoin de découvrir d'autres choses. » C'est aussi dans cette optique que Vente Privée a créé les journées «Vis ma vie», qui permettent aux collaborateurs de tous les services de passer un ou deux jours dans un autre département de la société. « Cela leur permet de découvrir l'entreprise en arrivant, mais aussi de mieux s'orienter par la suite, vers des postes de responsables des ventes, d'assistants commerciaux ou encore vers les métiers du marketing », confie Claire Chavanon. Un cocktail qui marche: chaque année, le centre de contacts enregistre 10 % de promotion interne et le turnover n'excède pas 2 %.

Témoignage
MARTINE FRIEDMANN, directrice de production chez Easycare

Des téléconseillers qui travaillent de chez eux...


Spécialiste de la relation client en «homeshoring», modèle dans lequel les téléconseillers travaillent depuis leur domicile, easycare emploie 180 salariés, la plupart âgés de 35 à 40 ans, donc déjà matures professionnellement. La quasi-totalité des collaborateurs provient de centres d'appels «classiques». ils ont été embauchés à la suite d'une sélection très rigoureuse, et choisis dans une base de plusieurs dizaines de milliers de noms. en homeshoring, leur travail est assez proche de celui des centres de contacts: mêmes outils de supervision, mêmes indicateurs et mêmes ratios. Par ailleurs, pour que ses téléconseillers travaillent dans de bonnes conditions, easycare les incite à s'aménager, chez eux, un espace de travail calme et ergonomique. Pour martine Friedmann, directrice de production chez easycare, « c'est important, car ils doivent se sentir responsabilisés. ils disposent d'ailleurs d'outils d'auto-évaluation dont ils sont très friands. »
En revanche, le management d'une équipe de travailleurs à domicile est très particulier. « malgré leur maturité, ils ont besoin d'être soutenus, car ce métier reste dur. » Les superviseurs doivent avoir une expérience plus importante que la moyenne, une plus grande maturité que dans un centre classique et une capacité à manager des profils plus expérimentés. « Nos collaborateurs sont très exigeants vis-à-vis de leurs managers, comme ils le sont vis-à-vis d'eux-mêmes. ils attendent des niveaux de compétence supérieurs », précise martine Friedmann. Le management se faisant à distance, les managers ont à leur disposition de nombreux outils pour le suivi au quotidien et pour les formations continues: chat, conférences téléphoniques, forums de discussion, vidéoconférences. en une seconde, les téléconseillers sont en contact avec leur superviseur. en outre, pour qu'ils ne souffrent pas d'isolement, easycare a mis en place un intranet sur lequel ils peuvent chatter, « ce qu'ils font fréquemment, précise martine Friedmann. cela suscite une émulation collective et favorise la convivialité. »

 
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CLAIRE MOREL

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