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Banques : des services sous garanties

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Dans le secteur financier, le poids des syndicats n'est pas indifférent à la définition de cadres a priori plutôt sécurisants pour les téléconseillers. Et la plupart des centres d'appels s'y sont constitués sur la base d'accords d'entreprises dûment négociés.

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L'Arete, coopérative de consultants et d'informaticiens, a mené en mars 1999 pour le compte du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle une étude portant sur l'"emploi, les métiers et les conditions de travail sur les plates-formes téléphoniques au sein du secteur financier". Démarche remarquable dans la mesure où, à la différence d'autres cabinets d'études, l'Arete applique une grille de lecture sociale, s'intéressant autant aux salariés qu'à la stratégie commerciale de leurs employeurs. En l'occurrence, c'est cette première approche (objectivement la plus intéressante de l'étude) et sur le descriptif des accords d'entreprise passés au sein de différents établissements par les partenaires sociaux que nous nous arrêterons ici. Rappelons en préambule qu'en 1997, Cap Gemini estimait déjà à 100 % dans l'Hexagone la pénétration des centres d'appels dans le monde financier. S'il s'est développé plus tardivement qu'en Grande-Bretagne, le marché français des call centers bancaires a aujourd'hui trouvé une véritable assise. Ce qui n'empêche pas les acteurs du marché de se poser certaines questions et de procéder, régulièrement à un certain nombre de réajustements. En interrogeant les responsables d'une quinzaine d'établissements financiers, l'Arete a constaté qu'au sein d'une majorité d'entre eux, la création d'un centre d'appels avait fait l'objet de négociations entre les différents partenaires sociaux, parfois d'ailleurs sous la pression des syndicats, assez actifs semble-t-il sur ce secteur d'activité, et donné naissance à des accords d'entreprise. Dans les autres cas de figure, il s'est agi d'une consultation limitée au comité d'entreprise. En fait, "historiquement", les syndicats ont été d'emblée clairement hostiles à la mise en place des plates-formes dans les banques. En grande partie pour des raisons touchant aux horaires élargis de travail. Jusqu'en 1997, les établissements relevant de l'AFB (Association Française des Banques) ont été régis par un décret datant de 1937 qui réglementait, de manière, très précise, le temps de travail.

La jurisprudence Banque Directe


Le conflit généré en 1994 par la création de la Banque Directe au sein du groupe Paribas est à cet égard éloquent. Après de rudes négociations, la CFDT, la CGT-FO et le SNB-CGC finissent en janvier 1995 par signer un accord autorisant la mise en route d'un service accessible par téléphone 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7. En contrepartie, la direction s'engageait sur un certain nombre de points : création nette d'emplois (45 en deux ans, dont 35 minimum en CDI), garantie de stabilité de l'emploi au sein du groupe pendant deux ans et demi, limitation du contingent d'heures supplémentaires, réduction significative du temps de travail sans perte de salaire, possibilité d'évoluer vers d'autres postes au sein du groupe. Suite à quoi la confédération cédétiste précisait : "depuis le début de cette affaire, c'est la CFDT qui a fait avancer le dossier en mettant de fortes exigences sur l'emploi et le niveau des contreparties afin d'en faire un exemple et pour que le coût soit suffisamment élevé pour être dissuasif". Exemple fut fait puisque la plupart des accords d'entreprise (voir tableau page 14) qui ont suivi se sont inspirés de cette jurisprudence Banque Directe. Au sein du secteur de l'assurance, la convention collective nationale du 27 mai 1992 prévoit dans son article 44 l'obligation de négocier un accord d'entreprise ou d'établissement lors de la création de certains modes d'organisation du temps de travail, notamment dans un contexte de création de call center. A la différence de leurs homologues britanniques, les plates-formes bancaires françaises ne sont que très rarement ouvertes 24 heures sur 24. D'un call center à l'autre, l'heure de fermeture est fixée à 20 h, 21 h ou 22 heures du lundi au vendredi et en fin de demi-journée le samedi. Les compensations obtenues par les syndicats, si elles varient, consistent surtout en une réduction du temps de travail (sans baisse de salaires). Mais la création nette d'emplois est aussi un enjeu de négociation. En 1997, les syndicats du Crédit Mutuel de Nantes obtiennent que la moitié des 64 postes de téléconseillers se traduisent par une création nette d'emplois. Et, lorsqu'au sein de certaines banques en "difficulté sociale" (plans sociaux), il n'est pas réaliste d'exiger une création nette d'emplois, les négociations portent alors sur des possibilités de reconversion (Crédit Lyonnais, accord de 1997).

Directions et syndicats d'accord sur l'aspect temporaire du métier


La reconversion peut également être envisagée comme une perspective systématique d'évolution du poste de téléconseiller après une certaine durée. Dans de nombreux établissements en effet, direction et syndicats partagent l'idée selon laquelle le métier de téléconseiller, pour des raisons diverses, ne peut pas être exercé plus de deux ou trois ans. Plusieurs accords d'entreprise stipulent donc qu'au-delà d'une certaine période, l'agent est prioritaire pour postuler à un autre emploi au sein de l'entreprise. La période de référence est généralement de trois ans. La Banque Directe étant allée jusqu'à proposer une possibilité d'évolution après un an de travail effectif. Cependant, précise l'Arete, l'expérience montre que les salariés eux-mêmes ne souhaitent pas toujours quitter rapidement les plates-formes. Et les syndicats ont parfois dû renoncer à certains a priori. Le Crédit du Nord, qui avait limité, dans l'avenant à l'accord cadre du 7 janvier 1997, la durée initiale du contrat "Etoile Direct" à trois ans, a fait disparaître cette limitation de son accord cadre du 7 janvier 1999. En se focalisant sur les questions liées au temps de travail, à la création d'emplois induite, à l'évolution des carrières, les syndicats en ont négligé, semble-t-il, les garanties qu'ils auraient pu négocier en termes de conditions de travail. Certains accords (Crédit Lyonnais, Crédit du Nord) prévoyant en plus une surveillance médicale particulière (tests audiométriques par exemple).

Méthodologie


L'enquête de l'Arete a été réalisée début 1999 sur la base de quatre études de cas, d'une analyse documentaire, d'entretiens avec les acteurs au sein du secteur financier, d'une analyse de nombreux accords d'entreprise et de comparaisons avec la situation dans d'autres pays européens, en particulier la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Suède.

Grande-Bretagne : la loi de la flexibilité


Le développement des centres d'appels en Grande-Bretagne, manifestement, s'est fait au détriment des agences. De 1990 à 1996, le secteur financier a connu deux fortes tendances dont on peut difficilement penser que la première n'a pas eu d'incidence sur la seconde : la suppression progressive de 3 000 agences bancaires d'une part (et la perte de 125 000 emplois) ; le développement exponentiel des centres d'appels d'autre part, la totalité des établissements disposant aujourd'hui d'un ou de plusieurs call centers. Autre différence par rapport à la France : le recrutement. Ainsi, lorsque la First Direct (l'une des banques directes les plus connues outre-Manche) s'est créée, la direction ne voulait pas de déplacement interne des personnels pour éviter de reproduire les schémas jusqu'alors en vigueur. La règle d'or des call centers bancaires étant en effet la flexibilité. Selon une enquête réalisée par Income Data Services, la moitié des call centers sont accessibles 7 jours sur 7 et un cinquième en 24/24. Par ailleurs, le recours aux temps partiels s'avère massif pour les services de soirée (18 h - 22 heures) et du week-end. Les étudiants assurant une part croissante de ces emplois.

Les téléconseillers pèsent le pour et le contre


Pour ce qui est des salariés eux-mêmes, si leur perception du métier varie en fonction d'une multitude de paramètres, quelques tendances fédératrices émergent. Les points positifs : un métier "jeune" véhiculant une image de modernité, un métier de communication et de contact, l'assurance d'une bonne formation initiale et continue dont on peut se prévaloir ultérieurement, des possibilités en termes d'évolution professionnelle. D'autres facteurs positifs ont été mentionnés, qui sont peut-être un peu plus inattendus. De nombreux téléconseillers ont mentionné le temps de travail, généralement inférieur au temps de travail imposé à des postes plus "classiques" au sein de l'entreprise. Mais surtout, pour beaucoup d'entre eux, le fait de pouvoir choisir des horaires atypiques est très apprécié. Par ailleurs, et c'est surtout le cas dans les établissements bancaires à réseau, certains agents ont fait part, aux consultants de l'Arete, de la disparition d'une certaine charge mentale et d'un moindre stress qu'en agences. Pour ce qui est des aspects participant d'une perception négative du métier de téléconseillers, le rapport de l'Arete en recense cinq majeurs. Premièrement, les rythmes de travail et la productivité, générateurs de stress. Deuxièmement, la taylorisation des tâches. Certains anciens agents commerciaux d'agence ont, par exemple, été malheureusement surpris et frustrés par la spécialisation alors qu'ils avaient jusqu'alors été habitués à gérer des dossiers clients dans leur globalité. Ainsi, le fait d'initialiser une affaire sans toujours savoir ce qu'elle deviendra est parfois mal vécu. Troisième facteur d'insatisfaction : le bruit, facteur supplémentaire de stress, et particulièrement pénible en cas de conversation conflictuelle avec un client. Quatrième souci : les horaires de travail, dont l'aspect fluctuant est moins bien toléré des personnes plus âgées ou ayant auparavant exercé en agence. Enfin, cinquième motif de critique : l'absence de réelles perspectives de carrière.

 
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Muriel Jaouën

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