Recherche
Magazine Relation Client
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Anticiper et régler les conflits sociaux : un sujet sensible !

Publié par le

Ressources humaines A l'instar de tous les secteurs d'activité, les centres de contacts ne sont pas à l'abri de conflits sociaux pouvant éclater à tout moment. Reposant avant tout sur l'humain, ils sont souvent considérés comme des poudrières sociales. Pourtant, en suivant quelques principes judicieux, le “calme” est toujours possible.

Je m'abonne
  • Imprimer


Très souvent touché par les conflits sociaux, le service public a appris à vivre avec. De leur côté, les entreprises du secteur privé ne sont plus épargnées et les centres de contacts ne font pas exception, bien sûr. A ce titre, il est regrettable de souligner que la question des conflits sociaux reste un sujet tabou au regard des difficultés rencontrées pour réaliser cette enquête. Absence de réponses et volonté clairement affichée de ne pas se prononcer sur la question ont été légions. Les centres de contacts traîneraient-ils encore un boulet face à cette frilosité manifeste ? Quoi qu'il en soit, la meilleure façon de gérer un conflit social est bien de s'en prémunir, ou du moins, de l'anticiper. « L'encadrement doit respecter les valeurs sociales de l'entreprise, les transmettre de la manière la plus précise possible à leurs équipes et faire preuve, notamment, de ponctualité. Il est important que les salariés aient l'impression qu'aucune personne ne possède de passe-droits dans l'entreprise », souligne Gwendaëlle Taureau, responsable des ressources humaines du Groupe Teletech. Il convient évidemment de faire preuve de transparence : la communication des informations doit être la plus fluide possible, sans aucune rétention. En effet, l'incompréhension et les malentendus sont très souvent générateurs de conflits. La notion de participation entre également en jeu, comme l'explique Gwendaëlle Taureau : « Nous ne sommes plus dans un système de type “taylorisme”, où le manager commande et le salarié exécute, mais dans un système où des responsabilités doivent être laissées aux collaborateurs. C'est le cas notamment avec l'instauration de groupes de travail pour trouver des solutions lorsque des retards sont constatés chez certains salariés. Globalement, plus l'on donne de responsabilités et de possibilités d'implication aux collaborateurs, plus les décisions prises sont légitimées à leurs yeux. » Une bonne anticipation des conflits, c'est également faire preuve de souplesse sur un sujet important tel que l'aménagement des plannings. Il s'agit de jongler en permanence en fonction des contraintes des salariés, tout en tenant compte des impératifs de production. Autre point essentiel, la communication et le dialogue social largement revendiqués par les salariés. Les centres d'appels d'une taille supérieure à cent personnes sont davantage exposés aux conflits sociaux. En effet, l'absence de proximité entre le management et les collaborateurs est fréquente. Il devient alors quasiment impossible de maintenir la taille humaine qui permet de résoudre les problèmes avant qu'ils ne prennent une dimension plus importante, voire engendrent une grève. Plus les collaborateurs sont laissés dans l'ignorance de la vie de l'entreprise, plus le sentiment de frustration grandit. De même, l'absence d'écoute pourrait être mal perçue et génératrice de conflits. Mais elle ne suffit pas. Il faut à tout prix que l'ensemble des salariés apprennent à se comporter comme des partenaires et non comme des ennemis. Cela sous-entend de mettre l'accent sur une formalisation accrue de la communication interne en rédigeant, par exemple, un compte rendu pour chaque réunion, mais surtout en multipliant les outils permettant de délivrer facilement des messages à l'ensemble de ses collaborateurs (lettres d'information, revue à échéances régulières). Cela passe aussi par un dialogue constructif avec les partenaires sociaux, en favorisant les débats. Il est, en effet, impératif que le personnel comprenne que les managers, pour réunir les éléments de réponses attendus, ont besoin de temps. Enfin, si le dialogue semble rompu, il reste le recours à la médiation ou à l'arbitrage, souvent considéré comme l'ultime chance de résorber les conflits latents et de se prémunir d'un clash définitif symbolisé par la grève. Le médiateur (un tiers indépendant) peut être saisi par les différents acteurs concernés par le conflit. Il est force de propositions. Attention, celles-ci n'ont pas vocation à être forcément adoptées. En revanche, une procédure d'arbitrage est en mesure de faire appliquer les décisions qui ont été choisies par l'arbitre. La médiation ou l'arbitrage présentent l'avantage d'être des procédures moins strictes, moins brutales, moins chères et moins longues qu'une grève ou encore qu'un procès.

Un terrain glissant

Pourtant, à y regarder de plus près, et si l'on en croit Noël Lechat, secrétaire général de la Fédération CGT des Sociétés d'Études, le secteur des centres de contacts constitue un terrain favorable aux conflits sociaux. Selon lui, « les centres d'appels outsourcés sont propices aux conflits en raison d'un manque d'actions concrètes pour professionnaliser le secteur. Il existe des “pseudo-formations” et aucune progression de carrière horizontale ou verticale n'est réellement envisageable pour le plus grand nombre. Or, la question de l'enrichissement est quelque chose de très important dans un métier. Mais aujourd'hui, force est de constater que ça ne marche pas. » Le projet de Label Social, lancé en 2005, représente pourtant un premier édifice pour légitimer ce secteur, mais de nombreux efforts restent à réaliser. « Le Label Social manque de transparence. On se demande comment certaines entreprises l'ont obtenu, car elles doivent gérer des conflits en interne. Et certaines se cachent derrière ce label pour essayer de redorer leur blason… sans pour autant faire bouger les choses », commente Noël Lechat. Parmi les causes des conflits sociaux, la question du salaire se révèle être naturellement celle pour laquelle les salariés sont les plus enclins à se battre. Or, pour ne pas alourdir la masse salariale, les managers doivent être capables de proposer autre chose qu'une simple “carotte financière”. « Se lancer dans une course salariale, c'est prendre le risque de mettre en danger la santé financière de l'entreprise. Il faut savoir valoriser le travail de chacun sans pour autant aboutir à une hausse de salaire. La gestion des carrières et des compétences prend ainsi toute son ampleur. Enfin, il convient de rappeler que chaque acquis social a tendance à être oublié facilement », commente Gwendaëlle Taureau. Un travail significatif doit être apporté au niveau de la reconnaissance. Aujourd'hui, en effet, les salariés sont davantage en attente de reconnaissance. Or, la notion de professionnalisation des métiers au sein des centres de contacts, même si elle a progressé, manque encore d'envergure. « Il est nécessaire d'engager une bataille sur la notion de métiers dans le secteur : il faut une classification, des formations, pour que les salariés puissent se reconnaître. Certes, un organisme comme le SP2C ou bien l'AFRC s'y attellent, mais il faudrait des signes concrets encore plus forts », précise Noël Lechat. Il serait, en effet, judicieux d'établir une classification des métiers, de donner une dénomination commune aux fonctions de téléopérateurs (agents de clientèle, téléconseillers, chargés d'assistance, etc.). De même, un travail sur la formation est à effectuer pour renforcer les compétences de téléopérateurs. En outre, si l'on parle souvent de communication interne, encore faudrait-il ne pas oublier celle transmise par les organismes de personnels ou syndicaux. A ce titre, il n'est pas rare de constater qu'une pression sur les salariés est exercée par certains managers pour éviter la syndicalisation. En France, les syndicats sont faibles en apparence. Néanmoins, ils ont une forte capacité de construction… et de nuisance. En Allemagne, ils sont très puissants mais sont davantage dans une logique réformiste. Quoi de plus efficace pour se prémunir d'un conflit social que d'offrir aux salariés l'opportunité de faire carrière. Certes, le nombre de places est limité lorsque l'on souhaite gravir les échelons, mais le potentiel est présent. Encore faudrait-il insuffler davantage de perspectives d'avenir aux salariés les plus méritants. Il convient, enfin, de ne pas négliger les conditions et l'environnement de travail. Aménagement des locaux, prévision de salles de détente confortables afin de faire du lieu de travail un endroit symbolisant une source de bien-être.

Inquiétude sociale à cause de l'off-shore

L'actualité de ces derniers mois montre que le secteur n'est pas encore entré dans une phase de calme plat. Des centaines d'emplois seraient actuellement menacés au sein de plusieurs outsourceurs. En réalité, les salariés se retrouvent trop facilement en première ligne en fonction des contrats signés, mais surtout perdus. « Il faut arrêter d'utiliser les salariés comme fusibles. Dans le sens où, dès que l'on gagne un client, on recrute et, dès que l'on en perd un, une vague de licenciements est lancée », remarque Noël Lechat (CGT). Dans le cadre de l'externalisation du parc de clients d'Orange, avec le transfert des flux d'appels Mobicarte et du SAV vers le Maroc, l'ensemble des contrats de soustraitance, soit plus d'un millier d'emplois, sont sur le point d'être transférés vers l'off-shore. La société Arvato, basée à Casablanca, vient d'être choisie et traitera les appels. Ces flux seront retirés aux prestataires externes du territoire français, Qualiphone et Vitalicom. La CFTC a mis en garde la direction d'Orange sur cette décision, craignant une délocalisation plus importante. En effet, les flux Mobicarte et du SAV sont également traités par plus de deux mille salariés d'Orange. Le rassemblement de plusieurs plateaux sur un seul est également propice à créer de vives tensions sociales. C'est ainsi le cas pour La Redoute qui a décidé de réunir ses quatre centres d'appels dans un unique endroit, suscitant certaines craintes quant au nombre de salariés qui vont suivre le mouvement.

« Les dirigeants d'aujourd'hui ont peur des échanges et de la confrontation »

Quelles sont les recettes d'un bon management dans un centre de contacts ? En préambule, il faut se poser la question : est-ce que le management est là pour régler les problèmes ou pour les gérer ? Je pense qu'il est là pour les gérer. En créant PhoneWeb, nous sommes partis d'un constat simple : à la fin des années 90, les sociétés de télémarketing étaient gérées dans le chaos le plus total en termes de droit du travail et de contrat de travail. Néanmoins, elles fonctionnaient tant bien que mal. On voyait les clients les plus prestigieux travailler avec des prestataires de la relation client à distance qui n'avaient pas de réels projets à confier à leurs collaborateurs. Ces annonceurs prenaient un grand risque vis-à-vis de leur image de marque. Avec PhoneWeb, il m'apparaissait évident de n'avoir aucun mérite à faire mieux. Néanmoins, le projet de management que j'ai construit ne peut pas se dupliquer indéfiniment, puisqu'il repose essentiellement sur les caractéristiques de notre activité. Nous sommes sur un marché de niche, c'est-à-dire, un secteur commercial B to B à forte valeur ajoutée, et non sur un secteur de mass market. Quelles sont les répercussions sur votre organisation ? Nous formons nos équipes en nous appuyant sur les compétences de nos interlocuteurs. En outre, notre activité s'appuie sur des budgets pluriannuels permettant de mettre en place de vrais contrats de travail et donc de collaborer dans la durée. Fidéliser ses collaborateurs et asseoir une expertise dans le temps, c'est aussi prendre un risque. Mais on en tire de gros bénéfices, car il s'agit avant tout d'un facteur de paix sociale. En effet, les employés ne sont pas dans la précarité, ils ont le sentiment d'avoir une perspective de carrière, au travers d'une part, d'un salaire fixe, et d'autre part, d'une activité commerciale pouvant générer un variable, une prime. Si nous avons un mérite aujourd'hui, c'est certes d'avoir choisi un secteur d'activité difficile, mais qui pouvait nous permettre de mettre en place une vraie politique d'entreprise. Et quels sont les petits “plus” qui font la différence ? Proposer des CDI, mettre en place des chèques déjeuners, jouer le jeu de la participation (correspondant à un treizième mois de salaire), permettre d'avoir une mutuelle haut de gamme pour les salariés... : autant de petits détails qui, globalement, deviennent essentiels. Il s'agit, bien sûr, de jouer le jeu de la fidélisation et de la culture d'entreprise. Mais vous savez aussi que cette politique n'est pas toujours possible, ou du moins, pas facile à mettre en place... Une telle politique s'appuie sur une volonté forte de la part des dirigeants. S'ils ne peuvent mettre en place une réelle stratégie sociale, c'est soit qu'ils sont sur des marchés pas ou peu porteurs, soit qu'ils ont mal négocié leurs contrats avec les annonceurs. Il y a aussi un certain nombre de dirigeants qui ne le souhaitent pas, puisqu'ils préfèrent s'en mettre plein les poches que d'en redistribuer une partie à leurs collaborateurs. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Si vous payez avec des cacahuètes, il ne faut pas être surpris d'obtenir guère plus qu'un travail de singe. Il existe aussi les cas où les dirigeants ne sont plus les patrons chez eux, où la pression des actionnaires est tellement forte que le rendement doit être le plus élevé possible… au détriment, dans la plupart des cas, des salariés. Des salariés qui sont considérés comme de véritables fusibles humains, avec un rôle de variables d'ajustement. C'est bien joli de les considérer comme les forces vives de l'entreprise en les poussant à donner le meilleur d'eux-mêmes, mais encore faut-il leur donner les moyens financiers et sociaux. Enfin, rien ne justifie qu'un patron obtienne un salaire cinquante fois plus élevé que celui d'un salarié lambda. Il s'agit d'une aberration propice à la création de conflits sociaux. Que faut-il faire au quotidien pour anticiper les conflits sociaux ? Le très important travail de pédagogie doit s'effectuer dans les deux sens : on demande aux salariés de se serrer la ceinture et de faire des efforts, mais l'exemple doit venir des hauts salaires. Il est donc important d'avoir le sens de la responsabilité. Il faut aussi être très ouvert à la discussion. Mais, pour échanger, il faut être présent au sein de son entreprise. Non pas en faisant acte de présence, mais en s'insérant parmi ses collaborateurs afin de bien comprendre leurs tâches respectives. Cette distance physique au sein des entreprises crée des fossés, les centres de contacts n'échappant pas à la règle. Or, les dirigeants d'aujourd'hui ont peur de la confrontation ; ils mettent en place des filtres pour s'en prémunir. Attention, il ne s'agit pas non plus de dire “oui” à toutes les revendications, mais d'être au “feu” afin de gagner le respect de ses collaborateurs. En outre, j'ai pu constater que, lorsque les entreprises parlent de respect ou d'éthique, c'est justement pour combler un manque dans ces domaines. Je tiens à préciser également que, pour les centres de contacts qui fonctionnent en mode de réception d'appels, le management est bien plus délicat à mettre en place par rapport au mode sortant, puisqu'il existe peu de marge de manoeuvre financière. Il faut donc apporter “un bonheur virtuel”, créer un confort dans l'entreprise. Pour celles qui gèrent des opérations en mode entrant et en mode sortant, il convient d'assurer un travail d'équipe. A nous de faire en sorte que toutes les personnes d'une entreprise soient convaincues d'être essentielles à son bon fonctionnement. Et de ne pas oublier que tous les collaborateurs représentent des pièces maîtresses dans les rouages d'une société.

 
Je m'abonne

Par Jérôme Pouponnot

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Retour haut de page