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« Il va falloir se réapproprier la relation clientèle »

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Avec quelque 2 000 conseillers de clientèle en interne, Bouygues Telecom est l'un des plus gros employeurs français sur le marché des centres de contacts. Longtemps considéré comme innovant dans l'approche et la gestion de la relation client, l'opérateur veut aujourd'hui se donner les moyens de creuser à nouveau la différence.

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Quelle est aujourd'hui la taille du service clientèle de Bouygues Telecom ?


Nous travaillons sur six sites en interne, Issy-les-Moulineaux, Boulogne, Nantes, Bordeaux, Tours, Strasbourg, qui emploient environ 2 000 personnes, conseillers de clientèle et responsables d'équipes. Tours est ouvert depuis deux ans et Strasbourg depuis cinq mois. Ces deux centres disposent encore de positions disponibles pour gérer la croissance de Bouygues Telecom. Nous allons donc continuer de recruter en 2003 sur l'ensemble des sites avec un effort important et une croissance significative sur Tours et Strasbourg. Nos centres de relation clients sont tous multiactivité et sont organisés autour d'un de nos coeurs de métier : le forfait. En complément, certaines activités spécialisées ou n'ayant pas la taille critique sont monocentre. Autre cas de figure : le site de Strasbourg, qui accompagne le lancement de l'i-mode, avec certaines particularités en termes d'outils ou de gestion.

Et la sous-traitance ?


Nous travaillons avec des sous-traitants sur Amiens avec Intracall Center, sur Bourges avec Infomobile, sur Aix-en-Provence avec Experian. Nous avons également un contrat avec Teleperformance pour la partie vente.

Pourquoi avoir mis fin au contrat SNT à Rennes ?


Le contrat arrivait à terme et nous n'avons pas trouvé d'accord pour le reconduire. Il s'est donc terminé comme prévu le 23 janvier 2003.

La rumeur veut également que vos exigences et vos conditions pour l'exploitation externalisée du site de Strasbourg étaient intenables et que, de ce fait, vous avez dû vous résoudre à le gérer en interne.


C'est faux. Nous n'avons jamais prétendu vouloir externaliser Strasbourg. Simplement, l'année dernière, nous nous sommes, bien naturellement, posé cette question : si jamais ce centre devait être exploité par un sous-traitant, quel serait notre intérêt ? Nous avons fait notre benchmarking interne et avons proposé aux sous-traitants de nous faire des offres. Les propositions n'étaient pas satisfaisantes à nos yeux et nous nous en sommes expliqué avec chacun des candidats. Maintenant, si le marché a perçu ici un certain message, c'est bien. Certains l'auront bien compris, d'autres moins. Il y a un premier niveau de lecture où le sous-traitant peut se dire : « Je remets en cause Bouygues Telecom et je ne me remets pas en cause ». Et un deuxième niveau d'interprétation où le prestataire se remet aussi en cause : « Je n'ai pas eu ce marché. Qu'est-ce que j'aurais dû faire pour le gagner ? ».

Cela remet-il en cause votre approche quant à la sous-traitance ?


Ce n'est pas parce que nous ne renouvelons pas un contrat à son terme que nous sommes sortis de la sous-traitance. Aujourd'hui, nous avons besoin de prestataires qui aient une réelle valeur ajoutée. Et il y en a sur le marché. Pas beaucoup, mais il y en a. Nous voulons également travailler avec des entreprises en mesure de répondre à nos besoins de production et susceptibles de nous apporter des solutions opérationnelles concrètes. A une époque, il a été nécessaire de faire appel à la sous-traitance pour gérer la montée en charge et la croissance des demandes de nos clients. Celles-ci, aujourd'hui, ont changé. On est à la fois face à un marché plus mature et à un volume croissant de demandes simples qui peuvent être traitées de manière automatisée. En même temps, certains clients ont des demandes plus sophistiquées qui nécessitent une parfaite maîtrise des offres, produits et services, mais aussi de l'environnement technologique. Cette évolution pèse nécessairement de manière importante dans les critères de choix en matière de sous-traitance. Aujourd'hui, environ 800 personnes travaillent pour Bouygues Telecom chez des prestataires extérieurs.

Comment s'organise le service clientèle en termes d'organigramme ?


Bouygues Telecom abrite une direction du développement de la relation client, en charge du process et des méthodes de traitement, mais également de tout ce qui concerne la facturation, le recouvrement et la qualité. Parallèlement, il existe une direction des opérations, en charge de la totalité des centres de contacts, internes et externes. Chaque centre a son responsable. Les sites se composent d'unités de 150 personnes environ, avec 12 responsables d'équipes encadrant 12 conseillers de clientèle. Chaque site pouvant abriter de deux à quatre unités, soit jusqu'à 450 postes de travail comme à Bordeaux et Nantes. Nous avons également, bien sûr, une direction des ressources humaines, un service formation. Ainsi qu'une direction de la performance qui est chargée de collecter et de définir tous les standards et toutes les normes de performance, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, de les mesurer et d'animer la performance sur les sites avec les responsables des centres et les responsables d'unité.

Combien de contacts clients gérez-vous ?


Nous recevons au total à peu près un million d'appels par jour. Les deux flux majeurs en termes de volume concernent le rechargement pour les cartes Nomad et l'encours de consommation pour les forfaits. Demandes qui sont traitées à 95 % par des automates. Les conseillers de clientèle ne gèrent que 5 à 6 % de ces contacts, en émission comme en réception. Les canaux "écrits", courrier, fax et e-mail, traitent pour leur part un million de contacts par an.

Vous êtes entrés dans une logique de centres de contacts multicanaux. Comment cela se traduit-il ?


Nous avons d'abord créé une direction en charge de la gestion des canaux de conctacts (centre de relation clients, Web, SVI, centre d'accueil SAV...) et des "flux" (appels, mails, courriers, fax...). Elle est aussi en charge du process (prévision, plan de charge, traitement). Concernant les outils et le mail en particulier, nous avons adopté une politique prudente. Un peu comme tout le monde d'ailleurs. Personne n'a encore trouvé la solution idéale de gestion, qui éviterait au canal e-mail de se transformer en canal chat, comme cela s'est produit chez tous ceux qui se sont vite lancés dans cette aventure, à l'image des fournisseurs d'accès internet. Aujourd'hui, de mon point de vue, il n'existe pas de solution industrielle satisfaisante. Même si tous les fournisseurs s'y emploient. Chez Bouygues Telecom, nous développons aussi de plus en plus les canaux physiques. Il y a eu une époque où la relation clientèle était considérée comme une organisation centralisée via des centres d'appels. C'est en tout cas ce qu'ont voulu nous vendre les fournisseurs et les consultants. Mais, d'une certaine manière, c'était ignorer que le client a le choix. Nous avons mis en place depuis trois ans des centres d'accueil SAV pour répondre aux besoins des clients dont les mobiles sont en panne et leur offrir une solution rapide et efficace. Parallèlement au réseau de boutiques, nous comptons aujourd'hui plus de 500 centres SAV dans toute la France.

Et le Web ?


Nous travaillons davantage sur des projets susceptibles d'aider les abonnés à trouver des solutions via le Web que sur le développement du canal e-mail, qui est compliqué à traiter en termes de gestion opérationnelle, plus d'ailleurs qu'en termes de réponse. C'est pourquoi Bouygues Telecom propose un service web assez complet, qui permet au client de satisfaire tous les besoins courants de gestion de son contrat, et consulter les offres ou les services, i-mode par exemple.

Quelle est votre position en matière d'orientation des métiers : polyvalence ou spécialisation ?


Personnellement, je ne suis ni pour ni contre la polyvalence. Tout dépend des prestations délivrées, de la valeur ajoutée créée pour le client et l'entreprise, enfin de la technicité de l'acte en lui-même. Par ailleurs, si nous parlons de métiers d'experts à valeur ajoutée, j'aurais plutôt tendance à les gérer en interne. S'il s'agit de métiers d'experts à moins forte valeur ajoutée, on peut les confier à un spécialiste qui réponde à des critères précis. L'important étant de toujours savoir ce que l'on veut absolument maîtriser dans sa relation avec ses clients.

Mais quelle est la tendance ?


Entre 1998 et 2002, nous avions des organisations très spécialisées, par marques et par métiers. Ce qui conduisait à une partie de flipper infernale entre le client et l'organisation pour contacter la bonne personne. Aujourd'hui, les choses évoluent et l'organisation est complètement différente, avec des sites où l'on a considérablement fait bouger les collaborateurs, en les faisant aller à la rencontre les uns des autres. Nous nous étions en effet aperçu que les gens ne connaissaient pas le métier des autres, voire ne se connaissaient pas entre eux. Cela a permis de redynamiser les centres de contacts, mieux que tout ce qu'on pourrait imaginer par ailleurs. Nous avons introduit la polyvalence il y a une dizaine de mois. Parce que faire évoluer les conseillers de clientèle sur un certain nombre de métiers, c'est gagnant d'abord pour le client, qui se voit apporter des réponses plus complètes et mieux argumentées, ensuite pour le conseiller de clientèle qui a une meilleure compréhension des enjeux et du travail des autres. C'est également gagnant pour la marque : les clients sont mieux renseignés et les collaborateurs plus épanouis.

N'est-ce pas plus coûteux ?


A court terme, cette approche peut paraître plus coûteuse dans la mesure où les temps de contact sont plus longs. Mais, au final, même avec une durée de l'appel unitaire ainsi allongée, le temps de contact par client est moins important. Bref, ce système est plus satisfaisant car plus rapide pour le client, plus valorisant pour les conseillers clientèle et plus économique pour nous. D'ailleurs, nous avons fait un pas de plus et mis en place quelques expérimentations pour développer plus encore la polyvalence en envoyant des conseillers de clientèle dans les boutiques Bouygues Telecom. Ils entendaient le client. Maintenant, ils le "sentent" et ils le voient. Avec le lancement de l'i-mode, nous avons d'ailleurs décidé de généraliser cette démarche à l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Près de 900 personnes sont ainsi déjà allées dans les boutiques, deux-trois heures durant.

Combien de numéros d'appel sont proposés aujourd'hui à la clientèle ?


Trop. Nous avons des numéros pour Nomad, pour les forfaits, pour les pertes, les vols, pour la fidélisation. Les numéros de téléphone traduisent une vision entreprise et pas une vision client. Je considère qu'aujourd'hui, on doit avoir une adresse pour chaque canal et c'est tout. Notre schéma est celui-ci : une cellule centrale reçoit la totalité des appels, avec un plan de charge élaboré préalablement en matière de ressources disponibles sur les sites internes ou externes. Cette cellule devant, au jour J et à l'heure H, envoyer le bon flux sur le bon site et sur la bonne compétence. En 2002, nous avons adopté ce modèle également pour les courriers, les fax et les mails. Les courriers sont systématiquement scanérisés, indexés et routés vers la bonne personne. Certains courriers sont même directement traités au moment de la scanérisation, notamment pour les actes de gestion assez simples.

Comment voyez-vous l'évolution de la relation client ?


Comme quelque chose que l'on doit se réapproprier. On doit la repositionner au sein de l'entreprise non pas comme un centre de coûts qu'il faut faire diminuer tous les jours, non pas comme un agglomérat d'ACD, de serveurs vocaux, de CRM et d'autres outils de scanérisation, mais comme un vecteur de satisfaction et de fidélité. Une fois qu'on a dit cela, on voit les choses un peu différemment au sein de l'entreprise. Ce n'est pas parce qu'on répond en moins de vingt secondes que le client est fidèle. Le vrai défi, c'est de bien répondre et d'éviter les rappels. Pour ce faire, il faut révolutionner les standards des centres d'appels créés il y a maintenant cinq ans : moins de vingt secondes, durée de traitement, after call work... Aujourd'hui, on observe plutôt le churn, la durée de vie et la satisfaction client. Bref, des indicateurs plus orientés clients et plus vertueux sur le moyen et le long terme.

Qu'est-ce qui demain va faire la différence ?


Il y a aujourd'hui une certaine banalisation du service d'une entreprise à l'autre. L'innovation par la technologie a permis de faire la différence, il y a quelques années. Mais nous avons été beaucoup copié. Aujourd'hui, ce n'est plus parce qu'on a un CTI qu'on est meilleur. Maintenant, la bataille va se jouer sur l'innovation dans le service. C'est, je pense, ici une nouvelle ère qui s'ouvre devant nous.

Biographie


Laurent Biojoux, 39 ans, a commencé sa carrière chez Leroy Merlin comme chef de département commercial. Il a passé neuf années chez Chronopost, où il a notamment créé le service clientèle. En 1998, il rejoint Bouygues Telecom, dont il est aujourd'hui le directeur des opérations.

 
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Muriel Jaouën

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