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Il y a un an naissait Impôts Service. Créé dans le Nord par le ministère des Finances, ce centre d'appels délivre chaque jour des centaines d'informations aux contribuables. Derrière ce projet, une idée : "Ce n'est plus à l'usager de s'adapter à l'administration".

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La scène est surréaliste pour le contribuable habitué aux guichets de l'administration. D'abord l'heure : 21 h 30. Le contrôleur des impôts délivre posément des conseils pour remplir une déclaration. Mais il est debout devant la machine à café, casque sur les oreilles, mini-micro devant la bouche, sourire aux lèvres. Vous êtes au rez-de-chaussée de la Cité administrative de Lille, dans les locaux d'Impôts Service (0820 32 42 52). Le centre d'appels a ouvert en avril dernier pour répondre à toutes les questions des "clients de l'Etat"... ceux qui le payent : les contribuables. Impôts Service s'inscrit dans le vaste projet de Bercy, amorcé il y a quelques années et qui prend parfois des allures de travaux d'Hercule : la modernisation de l'administration fiscale. Moderne, le centre l'est assurément : écrans plasma, documentation informatisée à 90 %, casques sans fil qui permettent aux employés de se déplacer tout en traitant un appel. L'expérience a pourtant commencé avec des bouts de ficelle. Fin 2000, quelques mois seulement après que l'idée a germé dans la tête de Louis Daniel, directeur des services fiscaux de Lille, le Fisc fait appel à un sous-traitant. Une quinzaine de fonctionnaires s'installent sur un plateau de Marcq-en-Baroeul aux côtés de téléconseillers travaillant pour des vépécistes. Ce sont des volontaires, leurs bureaux sont inconfortables. « Nous ne pouvions pas nous installer tout de suite dans des locaux flambant neufs. Mais ce handicap s'est révélé être un avantage », souligne Dominique Gibrat, chef du projet au ministère des Finances. De ce campement provisoire, les responsables du développement vont tirer une foule d'enseignements pour l'aménagement des bureaux de Lille. « Nous nous sommes rendu compte que ce travail était très stressant, explique Pierre-Marie Lemoine, directeur opérationnel du centre d'appels. Les questions posées sont bien plus complexes que pour la VPC. Il faut pouvoir demander un conseil à son collègue ou à son supérieur, ou consulter un livre dans une bibliothèque, tout en maintenant l'interlocuteur en ligne. Tout cela a des conséquences en termes d'ergonomie. » Pour comprendre les besoins des fonctionnaires, une étude a alors été confiée à Ouest Ergonomie, basée à Vern-sur-Sèche, en Ille-et-Vilaine. Les conversations ont été filmées, décryptées, puis restituées sous forme de bande dessinée.

32 MILLIONS DE CONTRIBUABLES, 17 FONCTIONNAIRES


Pour la réalisation, les pouvoirs publics ont mis 2,5 millions de francs sur la table. Le projet a été suivi au plus haut niveau. La secrétaire d'Etat au Budget, Florence Parly, est venue visiter les nouveaux locaux dès leur ouverture. Aucun doute sur l'utilité du centre : très peu de temps après sa mise en service, il recevait déjà plusieurs milliers d'appels par semaine. « Pourtant, nous ne communiquions que dans le Nord-Pas-de-Calais, s'étonne encore Pierre-Marie Lemoine. Nous souhaitions mener une expérience locale, mais nous n'avons pas bloqué les appels en provenance d'autres régions. Aujourd'hui, nous en recevons de toute la France. » Le filon s'est vite ébruité par le bouche à oreille et à la faveur de quelques reportages sur les chaînes de télévision nationales. Les régions qui ont le plus appelé, en dehors du Nord-Pas-de-Calais, sont sans surprise : lle-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Impossible pour Impôts Service de faire face au flux d'appels lors des périodes de pointe. La France compte 32 millions de contribuables, dont la moitié sont imposables. Si on y ajoute les 8 millions de bénéficiaires de la Prime pour l'Emploi, le nombre d'appels en puissance est vertigineux pour une équipe de 17 fonctionnaires. Ce n'est pas le doublement des effectifs en janvier prochain qui va changer la donne. « On ne se leurre pas, on n'arrivera pas à satisfaire tout le monde avec un seul centre, reconnaît Pierre-Marie Lemoine. Avec cet effectif, nous répondons au maximum à 1 000 appels par jour. » Seule solution, à terme : l'ouverture d'autres centres qui draineront le surplus de communications. On parle déjà de deux nouveaux sites pour fin 2002. Les régions d'implantation et le rythme des travaux restent à définir, mais une chose est certaine : tous les centres seront mis en réseau. « L'architecture initiale (conçue par Oxara, ndlr) a été prévue pour cela. Ce qui va nous permettre de surmonter les difficultés de gestion des effectifs », se réjouit Dominique Gibrat. L'élaboration du planning tourne souvent au casse-tête. Les horaires n'ont rien à voir avec ceux des guichets ordinaires : de 8 h à 22 h en semaine, de 9 h à 19 h le samedi. A l'avenir, les différents centres se relaieront pour les ouvertures tardives ou celles du week-end. On ne plaisante pas avec ces questions-là : les syndicats ne laisseront passer aucune innovation qui s'apparenterait à une régression sociale. A Bercy, on sait ce qu'il en coûte de ne pas écouter les syndicats : Christian Sautter, prédécesseur de Laurent Fabius, a dû démissionner après une longue grève contre sa tentative de réforme de l'administration. Pour Impôts Service, tout s'est donc fait dans la douceur : les syndicats ont été associés à chaque étape du développement. Les fonctionnaires expérimentent un accord sur l'aménagement du temps de travail : 39 heures par semaine en février-mars, période des déclarations d'impôt sur le revenu. 37 heures et demie le reste de l'année. L'usager est-il satisfait du service ? Oui, si l'on en croit les résultats de l'enquête menée récemment par la Sofres. En dehors des périodes de pointe, où il faut s'acharner sur la touche bis de son téléphone, l'attente est quasi nulle. Chaque fonctionnaire est formé pour répondre à un large éventail de questions et, si besoin, il peut interroger son supérieur hiérarchique qui se trouve dans la même salle. Pour Dominique Gibrat, « le cauchemar de l'administré qui se fait balader de service en service est fini. Ici, le passage de la communication est minimal. La plupart du temps, l'usager n'a affaire qu'à un seul interlocuteur. Et quand ce n'est pas le cas, le second interlocuteur est le bon. » Le contact avec les contrôleurs ou les agents est d'autant plus apprécié qu'il est anonyme. « C'est important : beaucoup de gens ne sont pas très à l'aise face à un agent des impôts », explique Dominique Gibrat. A l'avenir, les agents pourront toutefois avoir accès au dossier fiscal des usagers. Mais Pierre-Marie Lemoine est formel : « L'anonymat restera garanti. Nous n'accéderons à la fiche que si la personne le souhaite. Elle disposera d'un code confidentiel. La Cnil est très pointilleuse. » Quoi qu'il en soit, cette étape est encore lointaine : pour créer ce fichier des contribuables, il faut fusionner les données informatiques du Trésor Public et de la Direction Générale des Impôts. Or, les logiciels utilisés par les deux administrations ne sont pas compatibles !

UN TRAVAIL DE PÉDAGOGIE VALORISANT


Preuve de sa performance, Impôts Service reçoit de nombreux appels de professionnels. Des notaires ou des experts comptables s'en servent de centre de documentation. Pour Dominique Gibrat, « c'est de bonne guerre, mais ce n'est pas notre rôle. Nous sommes là pour délivrer des informations, pas des conseils. C'est tout le problème de la gratuité de la ressource. Certains de nos coups de téléphones seraient facturés 2 000 F par des avocats fiscalistes. » Cela n'empêche pas les agents de conseiller l'étudiant qui se demande s'il doit rester à la charge de ses parents ou bien l'entrepreneur qui s'interroge sur l'opportunité de créer une SARL. Pour les questions les plus complexes, la règle est de ne pas délivrer de réponse immédiate. Les fonctionnaires fixent des rendez-vous téléphoniques. Le rappel se fait dans les 24 heures. Même délai pour les mails (voir encadré). Ce travail de pédagogie est valorisant pour les fonctionnaires d'Impôts Service. Ils sont sans cesse confrontés à de nouvelles difficultés, ils ont l'impression de progresser. « C'est la grande leçon du travail d'équipe, souligne Dominique Gibrat. Tout le monde échange ses connaissances, ce qui renforce la cohésion du groupe. » Récemment, un coaching a été mis en place : les conversations sont régulièrement enregistrées, les agents étant au courant. L'un d'eux, qui a suivi une formation en communication, analyse les conversations avec ses collègues. Les fonctionnaires pointent ensemble les questions sur lesquelles ils ont un peu patiné. Il ne s'agit pas de sanctionner : les supérieurs ne se mêlent pas de l'exercice, tout se passe à un même échelon hiérarchique. Après un an d'existence, Impôts Service a fait la preuve de sa pertinence : il y a bel et bien une demande, qui dépasse largement les capacités actuelles. Le centre n'a pas vocation à remplacer les guichets, mais il va soulager les employés "traditionnels", qui pourront ainsi se concentrer sur le traitement des dossiers fiscaux. Au bout du compte, en s'intéressant aux méthodes CRM utilisées dans le privé, l'administration met le doigt sur une autre nécessité : le partage des tâches.

Gestion des mails : l'autre mission d'Impôts Service


Chaque jour, le centre d'appels de Lille traite une dizaine de courriers électroniques. C'est une infime partie de ceux qui parviennent au ministère de l'Economie et des Finances par ses multiples portails (son propre site, mais aussi ceux des administrations locales ou encore le site généraliste service-public.fr). Les autres mails sont gérés par des services classiques. Le délai ne dépasse pas les 24 heures. Tous les agents sont habilités à répondre, mais par précaution, leur travail est toujours relu par un inspecteur des impôts : les mails envoyés par l'administration ont valeur de preuve juridique. A terme, Impôts Service prendra en charge la totalité des questions qui arrivent par mail.

Chronologie


- Début 2000 : l'idée d'un centre d'appels est lancée par Louis Daniel, directeur des services fiscaux de la zone Nord-Lille. - Décembre 2000 : 17 inspecteurs, contrôleurs et agents des Impôts s'installent sur un plateau de Marcq-en-Baroeul en banlieue lilloise. Les travaux de rénovation de 300 m2 de bureaux sont lancés à la Cité Administrative de Lille. - Avril 2001 : inauguration des nouveaux locaux. Visite de Florence Parly, secrétaire d'Etat au Budget. - Septembre 2001 : première évaluation. Le projet est pérennisé et appelé à se développer. - Janvier 2002 : l'équipe passe de 17 à 42 fonctionnaires. - Fin 2002 : ouverture prévue de deux autres centres, en réseau. On parle du Languedoc-Roussillon et de la région PACA.

 
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Jérôme Andrade

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