DIAC : réorganisation et dépersonnalisation
Jusqu'où peut-on pousser un mouvement de concentration ? Lorsque le besoin
de rationalisation se fait ressentir, quelles sont les limites à la refonte des
services ? Pour intégrer chaque jour davantage la relation clientèle comme un
pivot stratégique, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se trouver
confrontées à ce type de questionnement. Ce fut il y a peu le cas chez Diac,
organisme de crédit du constructeur automobile Renault, qui a récemment engagé
un processus de polarisation de son service clients. « En matière de centre
d'appels, nous revenons de très loin », résume en un clin d'oeil Jean-Pierre
Franqueville, directeur de la relation clientèle de la Diac. « De très loin »,
c'est-à-dire d'un tissu parcellisé de structures dispersées sur l'ensemble du
territoire, qui ne pouvaient plus répondre de manière optimale aux objectifs
d'une entité considérée comme un outil d'aide à la vente pour le constructeur
automobile. En 1996, la Diac a procédé à une première étape dans la
concentration en fusionnant les deux types d'agences jusqu'alors chargées de
traiter les contacts et les dossiers clients : les agences dites de "relation
clientèle" et celles dites "du contentieux". L'organisme ne comptait plus dès
lors que dix structures sur l'ensemble du territoire, soit autant que de
directions régionales Renault. Trois ans plus tard, en 1999, le constructeur
décide de réduire de 10 à 7 le nombre desdites directions régionales. Pour la
Diac, c'est l'amorce d'une seconde étape dans le processus de concentration. «
Est-ce qu'il fallait calquer notre organisation sur ce découpage et ventiler
l'activité de trois de nos agences sur les sept qui resteraient ? Est-ce qu'il
fallait franchir un pas de plus et aller plus avant dans la refonte ? Nous
avons choisi cette seconde voie », relate Jean-Pierre Franqueville.
TROIS STRUCTURES HOMOLOGUES
Aujourd'hui, la Diac est
donc passée d'un réseau de dix agences employant chacune de 10 à 25 personnes à
3 centres de relation clientèle de 50-60 conseillers. Quitte à franchir le
Rubicon, pourquoi ne pas avoir poussé plus avant en s'arrêtant sur un call
center unique ? A cela, plusieurs explications. Pour la Diac, il fallait
limiter la remise en cause sociale qu'induit nécessairement ce type de
concentration. Il s'est également avéré qu'une refonte à l'extrême risquerait
d'étouffer l'expertise produits et la connaissance clients emmagasinée depuis
des années sur les antennes régionales. La polarisation sur un seul site aurait
d'autre part sans doute posé des problèmes en matière de management et de
gestion des équipes. Enfin, multiplier les sites, c'est multiplier les
sécurités en cas d'incident technique, organisationnel ou d'exploitation.
Trois centres donc, l'un à Montreuil, l'autre à Bordeaux, le troisième à
Villeurbanne, qui se partagent la France en trois grandes zones géographiques.
Trois centres homogènes, qui traitent exactement les mêmes demandes de la
clientèle et gèrent les mêmes dossiers. Chaque site abrite quatre pôles
d'activité : une équipe "gestion" (animation et suivi des contrats), une équipe
"recouvrement amiable", une équipe "contentieux", une équipe "support
logistique et technique". L'ensemble étant (en attendant un prochain système de
routage intelligent des appels) constitué en réseau, sur la base d'un PABX
Alcatel 4400. Rationalisation et concentration obligent, la Diac a en effet
opté pour le numéro unique : un Numéro Indigo national pour la gestion, un
autre pour ce qui relève du recouvrement.
DÉSAFFECTATION DES PORTEFEUILLES CLIENTS
« Cette refonte s'est accompagnée d'une
petite révolution dans l'organisation du service, explique Jean-Pierre
Franqueville. Notamment avec l'abandon du système d'affectation de portefeuille
clients. » Jusqu'en 1999, chaque chargé de relation clientèle était responsable
du suivi d'un volant déterminé de dossiers. Les clients recevaient des lettres
signées du même correspondant, à savoir leur interlocuteur privilégié au sein
du service. Une personnalisation qui n'arrivait plus à cacher certains travers.
« De facto, du fait de l'agencement des emplois du temps et des impondérables
du dimensionnement, un bon tiers des appels n'était pas traité par les chargés
de clientèle attitrés », concède le directeur de la relation clientèle. Par
ailleurs, quitte à optimiser l'organisation du service, autant aller jusqu'au
bout d'une part en instituant et cultivant un équilibre dans la charge de
travail et de responsabilité des conseillers, d'autre part en linéarisant les
flux en correspondance avec les disponibilités sur les trois centres de
relation clientèle. Cette réorganisation du service s'est accompagnée de
sessions de formations spécifiques. « Nous travaillons sur des produits de plus
en plus complexes à gérer en après-vente. Par ailleurs, un contrat de
financement se fait sur le long terme, souvent sur des années, ce qui implique
une connaissance "historique" de produits qui n'ont plus forcément cours »,
explique Jean-Pierre Franqueville. En moyenne, chaque téléconseiller suit entre
8 et 10 jours de formation par an.
UN OUTIL DE WORKFLOW POUR PLUS
DE 10 MILLIONS DE FRANCS
La Diac a
investi entre 10 et 15 millions de francs dans un outil de workflow, développé
en interne. « Pour cet outil informatique, extrêmement performant dans la
gestion électronique des documents, je n'ai pas peur de dire que nous avons une
longueur d'avance sur la concurrence, et de manière générale sur nombre de
centres d'appels, tous secteurs d'activité confondus », remarque Jean-Pierre
Franqueville. La corbeille de tâches communes s'est ainsi substituée à
l'affectation du portefeuille clients. Ainsi, lorsqu'un courrier client arrive
sur le service, il est scanné, reconnu, identifié et enregistré dans la
corbeille, prêt à être pris en charge par le premier conseiller qui se libère.
Chaque contact étant tracé, enregistré dans l'historique de la relation client
et venant nourrir les statistiques en temps réel afin d'aider à la définition
des standards de qualité. Ce changement radical dans l'organisation du centre,
en faisant son deuil du système précédant de personnalisation de la relation,
n'a-t-il pas gêné les utilisateurs du service ? Dans le contexte d'une action
impliquant des allers-retours entre le client et son interlocuteur, la Diac
conserve à la relation, dans la mesure du possible, une facture personnalisée.
Par ailleurs, de manière générale, lorsqu'un client appelle un organisme de
financement, ce qu'il souhaite avant tout, c'est que sa demande soit au mieux
prise en compte. Le rest... Le reste, pour le service clientèle de la Diac,
c'est l'optimisation d'une organisation qui avait développé ses propres
limites. « Nous sommes sans doute partis en retard sur la concurrence, note
Jean-Pierre Franqueville. Notre objectif est de prendre vite deux à trois ans
d'avance. »
Diac
Créée en 1924, la Diac est la direction commerciale de la filiale française de Renault Crédit International, l'organisme de financement du constructeur automobile. La Diac traite chaque année pas loin de 250 000 dossiers, ouverts par des particuliers, mais aussi des commerçants, artisans, PME ou grands comptes. Le service de relation clientèle gère ainsi 400 000 clients et recense chaque mois quelque 10 000 dossiers de recouvrement.
Des standards de qualité presque atteints
Le service clients de la Diac reçoit chaque mois quelque 50 000 (soit 20 % de plus qu'avant la restructuration) appels entrants et en émet environ 40 000. Un trafic auquel s'ajoutent les 2 500 à 3 000 courriers et les 500 fax enregistrés quotidiennement. Aujourd'hui, après quelques mois de rodage, les objectifs en matière de qualité de service sont quasiment atteints : 93 à 94 % d'appels pris pour un standard de 95 %, et 80 % d'appels décrochés en moins de 3 sonneries pour un objectif de 85 %. Outre cette production directement liée à la demande, la Diac entend adopter une démarche plus offensive sur le plan commercial et en termes de fidélisation. Des équipes dédiées à des campagnes en émission d'appels (sans doute dans un schéma de cosourcing) devraient être constituées à échéance d'une année. L'entreprise, qui a déjà investi environ 5 millions de francs dans la seule refonte téléphonique, devrait d'ailleurs bientôt investir dans un système prédictif. « Renault va développer un grand projet de relation, clientèle. Nous nous y inscrirons de manière très nette », souligne le directeur du service clientèle.