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Outsourcing : une filière agile et innovante, en pleine transformation

Publié par Christine Monfort le | Mis à jour le

Les centres de contact externalisés ne cessent d'innover au service de l'expérience client et des attentes de ces derniers. De nouveaux horizons s'ouvrent grâce à l'IA générative et une meilleure capacité à embrasser les demandes des marques globales.

Après deux années exceptionnelles - en 2020 avec la crise sanitaire puis le rebond exceptionnel de 2021 -, le secteur de la relation client externalisée est revenu "à la normale" en 2022 et a retrouvé ses tendances pré-Covid. Le marché français a généré en 2022 un chiffre d'affaires de 3,44 milliards d'euros, en croissance de 3 %, selon l'édition 2023 du baromètre des impacts économiques, sociaux et territoriaux des centres de contact externalisés en France, réalisé par EY pour le SP2C. Si on est loin de la hausse de 11 % enregistrée un an plus tôt, le taux de croissance annuel moyen se stabilise néanmoins à près de 6 % depuis 2017. "La filière continue de grandir et de relever de nouveaux défis de transformation, avec un conseiller placé au coeur des dispositifs pour satisfaire ses clients et le client final", souligne Laurent Vagneur, associé Ernst & Young Advisory.

La croissance de 2022 repose sur la dynamique de deux segments : le marché français, qui représente 48 % du chiffre d'affaires des répondants à l'étude et progresse de 3 % à 1,44 Md€, mais aussi le nearshore qui affiche une hausse de 19 % et tangente les 10 % du marché (264 M€). L'offshore 1 reste toutefois la deuxième zone géographique (+3 % à 958 M€).

Retour en force du Travel & Hospitality

Les télécoms et FAI demeurent les premiers clients des outsourceurs avec 27 % des revenus générés (stable par rapport à 2021). Le Travel & Hospitality est reparti fortement à la hausse avec une croissance de 36 % qui illustre la bonne santé du secteur, porté par un "Revenge Travel" post-Covid. Les acteurs du tourisme ayant signé une excellente année 2022, qui se poursuit d'ailleurs en 2023, les pics de demandes et les nouvelles attentes des clients ont renforcé les besoins d'outsourcing (voir le témoignage d'Eric Poueys, directeur de la relation client du groupe Pierre et Vacances-Center Parcs). L'énergie, en hausse de 7 %, a été au coeur des préoccupations des Français tout l'hiver dernier du fait de l'envolée des tarifs du gaz et de l'électricité depuis le début de la guerre en Ukraine. Les énergéticiens ont davantage sollicité les centres de contact pour gérer les appels liés aux changements de fournisseurs et aux difficultés de paiement. La crise sanitaire s'étant éloignée, le service public a de son côté réduit ses interactions avec le public et enregistré une décroissance de 36 % sur la période.

La palette de services proposée par les outsourceurs continue de se diversifier. Dans le trio de tête, l'assistance commerciale conserve la part la plus importante (68 % du chiffre d'affaires généré, malgré une baisse de 1 % sur un an), devant la détection/acquisition qui représente désormais 14 % des revenus (+13 %) et 8 % pour l'assistance technique (+5 %). Si le recouvrement de créances ne compte encore que pour 2 % du chiffre d'affaires des centres de contact, cette prestation est en pleine croissance (+22 %). La diversification génère 2 % du CA (+5 %). Le développement technologique (+80 %) compte désormais pour 40 % de ces revenus. Deux activités qui avaient permis aux outsourceurs d'initier leur dynamique de diversification connaissent des baisses importantes : la data analytics (-55 %) et la formation (-57 %).

L'IA générative, évolution ou révolution ?

L'étude a identifié quatre grandes tendances qui concentrent les intérêts et les investissements des outsourceurs : l'intelligence artificielle (IA) arrive, sans grande surprise, en tête des technologies à même de façonner le marché (citée à 88 %), devant l'analyse de données et l'omnicanalité (75 %) et l'automatisation (63 %). "On assiste à une accélération sans précédent des innovations sur le terrain du digital. Un mouvement est en train de s'opérer, avec une vraie envie des acteurs et des marques de voir ce que les nouveaux concepts et outils peuvent donner, même si l'on manque encore de recul pour en mesurer les résultats ou les impacts", note Laurent Vagneur.

Alors que l'IA prédictive est déjà largement utilisée dans les centres de contact, l'IA générative va permettre davantage de flexibilité par rapport aux outils actuels dont les solutions sont souvent monotâche. Sa capacité à simuler la conversation humaine apportera une valeur forte pour les services clients. Les anciens chatbots, basés sur des arbres de décision longs et coûteux à mettre en place, ont vocation à être remplacés par des chatbots "nouvelle génération". Ceux-ci seront basés sur une IA générative entraînée sur un corpus de données qui interviendra en surcouche de services existants pour transformer l'expérience utilisateur (voir encadré). Intégrée en profondeur dans les modes de fonctionnement de l'entreprise, elle sera utile pour aider, recommander et orienter, notamment dans les situations inconnues ou critiques.

Une concentration des acteurs qui s'accélère...

2022 a aussi marqué le début d'une vraie accélération des rapprochements en haut du classement des outsourceurs, avec la fusion de Konecta et Comdata puis le rachat de Coriolis par Intelcia. D'autres mouvements ont été lancés en 2023 : la fusion entre Webhelp et Concentrix, le rachat de Majorel par Teleperformance... "Dans tous les métiers de coûts fixes, il y a une prime à la taille critique. Les rapprochements permettent d'optimiser les synergies et de contrer les difficultés de recrutement sur les bassins d'emploi les plus proches. Les outsourceurs doivent aussi grandir s'ils veulent aller chercher les acteurs mondiaux qui ont de plus en plus recours à la relation client externalisée", explique Laurent Vagneur.

Le rapprochement entre le français Webhelp et l'américain Concentrix, finalisé en septembre 2023, a permis aux deux groupes de développer leur empreinte géographique : en Europe, en Amérique latine et en Afrique pour Concentrix, en Amérique du Nord et en Asie pour Webhelp. "Quand on veut servir des entreprises de taille globale, il faut être en mesure d'apporter un service global et cohérent, quel que soit le lieu de production. Maintenant que nous sommes un acteur vraiment présent partout, nous pouvons nous focaliser sur ce qui apporte de la valeur au client : la transformation du modèle avec la technologie", précise Dirk van Leeuwen, directeur général Région France du groupe Concentrix + Webhelp.

Certains mouvements visent aussi à trouver des relais de croissance à long terme en prenant position sur des continents en forte croissance démographique laissant entrevoir des marchés intérieurs dynamiques. La complémentarité entre Teleperformance et Majorel sur le continent africain peut s'inscrire dans cette stratégie. D'autres relèvent davantage de mouvements d'intégration, par exemple pour se développer dans de nouvelles activités ou pour remonter la chaîne de valeur.

Ces fusions, rachats ou rapprochements chez les plus grands acteurs du marché sont la source de synergies et de réorganisations qui peuvent déstabiliser l'activité. Dirk van Leeuwen se montre confiant sur l'impact pour le marché national des réorganisations opérées au sein du groupe Concentrix + Webhelp : "Nous devenons une entreprise cotée en bourse, ce qui induit quelques changements dans le reporting, mais nous sommes en France dans une forme de continuité qu'il s'agisse des équipes ou des organisations. Nous restons dans un marché très compétitif. L'enjeu consiste à garder notre capacité de servir les clients, quelle que soit leur taille, avec des entités spécialisées pour accompagner les start-up ou les petites entreprises."


Vincent Vella, directeur exécutif Emerging Business & Technonolgies
(EY Fabernovel) : "Les bouleversements liés à l'IA générative seront assez rapides et puissants"

De quelle manière l'IA générative peut-elle être utile
aux outsourceurs ?

Les nouvelles générations de chatbots basées sur l'IA générative seront plus rapides à implémenter et auront une flexibilité par rapport au langage naturel sans commune mesure avec ce que l'on connaît. Ces bots répondront à des questions beaucoup plus complexes,
se souviendront d'un contexte, comprendront les requêtes que l'utilisateur formulera à sa façon, sans utiliser forcément le vocabulaire de la marque, ce qui changera radicalement son orientation. Des assistants virtuels pourront fournir aux conseillers les éléments pour répondre rapidement à une demande client, une synthèse des échanges précédents pour ne pas obliger à tout répéter... Ces outils ont aussi une capacité de progresser sans être redéveloppés. Un chatbot lancé avec ChatGPT 3.5 devient déjà plus performant avec ChatGPT 4, sans rien changer.

Que peut-on en attendre et à quelle échéance ?

L'IA générative est récente mais progresse à très grande vitesse. On peut déjà la cantonner à certains rôles pour avoir un premier retour d'expérience avant d'élargir le scope. Elle sera par exemple utile pour proposer au client un "interlocuteur" capable de répondre à une question sans devoir le rebasculer dans les différents services concernés, pour accéder à de la donnée en temps réel et être proactif, pousser des messages commerciaux au moment opportun... Cela pourra changer la donne sur les relations avec les services techniques et logistiques, qui auront une information en continu, une vision plus holistique de l'actualité de la marque et de ses problèmes et pourront en personnaliser les messages... Le changement se fera dans la durée et il est difficile de dire quels seront les contours du nouveau modèle, mais les bouleversements seront assez rapides et assez puissants.

À lire aussi :

- Éric Poueys, directeur de la relation client Pierre & Vacances-Center Parcs : "Notre plus gros défi, transmettre aux outsourceurs l'âme de notre produit et de nos destinations".

- Youssef El Aoufir, directeur général adjoint et cofondateur du groupe Intelcia : "Nous sommes passés en France à 4 000 collaborateurs".

- David Gillaux, directeur général d'Armatis : "Il y a de belles places à prendre pour des acteurs de notre taille".

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