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Luxe français : savoir-faire, traçabilité et nouvelles attentes clients

Publié par Jérôme Pouponnot le - mis à jour à

Entre ralentissement en Chine, taxes US et nouvelles exigences éthiques, les maisons de luxe misent sur l'artisanat local, la traçabilité transparente et la vogue croissante de la seconde main pour séduire des consommateurs en quête de sens et d'instantanéité.

Le secteur du luxe traverse une période de transition marquée par des vents contraires. Selon l'étude EY Luxury Client Index 2025, les maisons de luxe doivent composer avec un ralentissement conjoncturel, une baisse des dépenses dans des marchés stratégiques comme la Chine et l'imposition de droits de douane de 15 % par les États-Unis. Ces contraintes économiques et géopolitiques obligent les acteurs du secteur à repenser leurs modèles.

"Les maisons de luxe sont à la croisée des chemins", souligne Rachel Daydou, associée EY Fabernovel, en charge de l'IA et de la durabilité pour l'industrie. Pour elle, la véritable révolution ne passera pas par une simple stratégie de prix, mais par une redéfinition de l'univers des marques et de l'expérience qu'elles offrent à leurs clients.

La qualité et le savoir-faire, moteurs d'achat en France

L'étude, menée auprès de 1 672 acheteurs dans dix pays, dont 153 en France, montre que la qualité demeure la première motivation d'achat, citée par deux tiers des consommateurs hexagonaux (+ 5 points par rapport à la moyenne mondiale). Elle devance largement la recherche de statut ou l'influence des célébrités.

Particularité française, le savoir-faire artisanal occupe une place centrale dans l'acte d'achat. Si, à l'échelle mondiale, la qualité des matériaux domine, les Français privilégient le travail de l'artisan et, de plus en plus, sa dimension locale. L'exclusivité et la rareté des produits constituent le deuxième critère de choix, tandis que l'héritage de la marque, très valorisé ailleurs, occupe un rang inférieur en France.

Durabilité : la traçabilité avant tout

La durabilité s'impose comme un facteur déterminant dans la consommation de luxe, avec une spécificité française : la traçabilité de la chaîne logistique est l'attente numéro un. Les scandales passés liés à l'authenticité ou au lieu de fabrication ont sensibilisé les consommateurs.

L'empreinte carbone se place en deuxième position, bien avant le packaging, jugé secondaire par rapport à l'ensemble du cycle de production. Pour Rachel Daydou, "Les maisons de luxe peuvent utiliser la traçabilité pour démontrer que leurs produits sont fabriqués par des artisans qualifiés, avec des matériaux sûrs et de haute qualité", regagnant ainsi la confiance de leurs clients.

L'omnicanalité, nouvelle norme pour la génération Z

Les canaux d'achat évoluent. Si 63 % des consommateurs français continuent de privilégier l'achat en magasin, ils sont 27 % à combiner en ligne et hors-ligne, une tendance encore plus marquée chez la génération Z. Près de 40 % de ces jeunes acheteurs adoptent un parcours omnicanal, contre seulement 24 % des baby-boomers.

Le magasin conserve toutefois un rôle unique : toucher et essayer les produits, bénéficier d'un service personnalisé et vivre une expérience de luxe. En parallèle, l'achat en ligne répond à des attentes d'accessibilité, de choix plus large et d'exclusivité digitale.

Mais le constat est sévère : 57 % des clients français dépensant moins de 5 000 euros par an estiment ne pas avoir bénéficié d'une expérience particulière au cours des douze derniers mois. Or, 84 % d'entre eux déclarent qu'une telle attention les inciterait à racheter. Un signal fort pour les maisons, qui pourraient développer de nouveaux leviers : abonnements exclusifs, location pour des événements ou programmes de seconde main certifiée.

Seconde main et location : des modèles en plein essor

L'essor de la seconde main de luxe et des services de location confirme une mutation profonde. Si des freins subsistent, notamment autour de l'authenticité et de la confiance envers les plateformes, 54 % des consommateurs mondiaux se disent prêts à acheter un produit de seconde main directement auprès d'une maison de luxe (48 % en France).

Par ailleurs, un acheteur sur deux dans le monde envisage la location comme alternative à l'achat, principalement pour des raisons de praticité (entretien, stockage) ou pour des événements ponctuels. En France, cette proportion atteint 41 %, confirmant que ce modèle gagne du terrain.