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[CX Awards 2025] Gens de Confiance : cap sur l'émotion client

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à

Créé en 2014, Gens de Confiance a fêté l'année dernière ses dix ans. Avec 2 millions de membres et 90 collaborateurs, Enguerrand Léger, l'un des trois cofondateurs, a brillamment développé un service client innovant et en perpétuelle évolution. Pour transmettre ce savoir-faire, qui repose principalement sur un savoir-être, il publie ce mois-ci "Customer Success Happiness Manager" aux éditions Dunod. Il a remporté en juin le grand prix de la Personnalité Client de l'année 2025. Rencontre.

Vous avez été élu Personnalité Client de l'année lors des CX Awards 2025. Que représente cette distinction à vos yeux ?

En tout premier lieu, ce prix doit revenir à l'ensemble de la communauté des professionnels de la relation client. Il s'agit de personnes passionnées, qui se battent au quotidien pour faire vivre leurs projets. Bien sûr, je suis également très ému de la récompense que représente ce trophée pour mes équipes. Nous ne prenons jamais le temps de nous arrêter et c'est bien que nous ayons ce moment pour célébrer le parcours réalisé. Il y a 4 ans, je leur avais fait la promesse de faire connaître notre service client. Cela m'aura pris 4 ans, mais j'y suis parvenu. Toute histoire qui touche à la relation client s'inscrit dans le temps long. Je dois également reconnaître que je suis très honoré que le trophée m'ait été remis par la personnalité cliente de l'année précédente, Raphaël Krivine, directeur de la Relation Client et Distributeur pour AXA Banque. Cela m'impressionne beaucoup, je suis très attaché à l'idée de transmission. En quelque sorte, il s'agit d'une responsabilité d'être détenteur de ce trophée.

Que change cette récompense pour Gens de confiance ?

Il ne s'agit pas d'une fin en soi mais du début de quelque chose. Ce trophée est la confirmation qu'on allait dans la bonne direction, mais certainement pas que nous possédons la réponse absolue. Il ne faut pas oublier nos fondamentaux qui nous ont permis notre succès. On peut gagner une année et ne même plus être en sélection l'année suivante en oubliant les petits process qui permettent au quotidien d'être dans la bonne direction. Ce n'est qu'un début...

Quel est votre regard actuel sur la profession ?

Notre métier n'évolue qu'en regard de l'évolution de nos clients. Ils sont de plus en plus exigeants, et ils ont raison de l'être. Mais il est certain que lorsque ça va mal, les responsables de la relation client sont très exposés, ils sont en première ligne, ce sont eux qui gèrent les réclamations. Les entreprises montent en maturité sur leur service client et nos métiers n'ont jamais été aussi stratégiques pour ces dernières. Tout le monde le comprend à présent. Maintenant, il est certain que se pose la question des transformations engendrées par l'IA...

Quelles sont vos réflexions concernant l'IA ?

Concernant ce point-là, je pense qu'il nous est essentiel de ne jamais penser outil avant de penser satisfaction client. L'erreur serait de perdre le cap de notre mission : rendre service au client.
Aussi, il faut très habilement distinguer les attentes qui nécessitent une réactivité que l'humain n'a pas forcément, et placer à ce moment-là de l'IA, et celles où l'erreur serait justement de négliger le pacte émotionnel avec le client.
La différence se fera là.
Notre boussole, c'est le CESAT. Avant de vouloir innover, briller avec de nouveaux outils, il faut toujours, en premier lieu, surveiller notre CESAT. D'autant plus qu'il ne faut pas oublier que lorsqu'un client prend le temps de nous écrire, il y a forcément une part de frustration quelque part. Cela lui coûte du temps, il ne faut pas le négliger et savoir la détecter.

Votre ouvrage Customer Success Happiness Manager - L'émotion au coeur de la relation client montre à quel point vous avez souhaité placer le service client au coeur de l'entreprise. Pourquoi une telle décision ?

Le service client occupe rarement une place centrale dans une entreprise. Pourtant, lorsque nous avons commencé à recevoir des messages de nos utilisateurs, j'ai vite compris que beaucoup d'entre eux recherchaient quelque chose qui manquait à tous les outils que nous avions mis en place : l'humain. Il était essentiel de répondre à ce besoin de contact. Si un client ne trouve pas satisfaction via un chatbot ou une FAQ, c'est qu'il a besoin d'une interaction humaine.

À partir de ce constat, l'enjeu était de savoir comment développer la qualité des échanges humains, tout en accompagnant la croissance de notre communauté. Dix ans plus tard, j'ai la preuve que c'est possible. Même avec une équipe de seulement 11 personnes, nous parvenons à traiter entre 400 et 500 messages quotidiens de manière qualitative.


Comment avez-vous travaillé en ce sens durant ces dix années ?

La première étape a été de trouver l'outil adapté. Pour nous, ce fut Front. D'ailleurs, sa présidente exécutive, Mathilde Collin, a accepté de rédiger la préface de mon ouvrage. La découverte de cette plateforme a réellement contribué à notre succès. Une fois la structure en place, il a fallu former nos collaborateurs. Cela implique de prendre le temps de formaliser ce que l'on a appris, d'identifier les éléments clés du système que l'on souhaite bâtir. En documentant nos pratiques, nous avons pu mieux comprendre ce que nous faisions de manière intuitive et structurer ces connaissances pour mieux les transmettre.

Enfin, il était crucial de mesurer notre efficacité. J'ai d'abord pensé qu'évaluer systématiquement la satisfaction des clients après chaque échange pourrait être une source de stress pour l'équipe. Mais je me suis demandé : quel est le risque ? Si nous faisons bien notre travail, nous recevrons de bons retours. Et c'est ce qui s'est passé : notre taux de satisfaction client est aujourd'hui de 98 %. Nous ne filtrons pas les évaluations, même lorsque la note est basse, car chaque retour est une opportunité d'amélioration.

Vous ne parlez même plus de "service client" mais de "l'équipe bonheur". Pourquoi ce changement de vocabulaire ?

Cela vient d'une anecdote. Nous sommes une fonction support au sein de l'entreprise. Un jour, un associé est venu passer du temps avec notre équipe et a déclaré : "Vous êtes l'équipe bonheur !" Il venait de voir comment nous avions réussi à transformer la frustration d'un client en un moment positif, au point d'entendre un "Vous êtes géniaux !" en retour. Ce terme reflète parfaitement notre mission : dépasser le simple support technique pour offrir une vraie expérience humaine et émotionnelle à nos clients.

Quelles sont les meilleures pratiques que vous pouvez partager ?

Le recrutement est une étape essentielle. Chaque personne intégrant notre équipe doit être le profil idéal. J'ai eu la chance de lancer ce service avec Marilyne, qui avait ce métier dans le sang. Ensuite, nous avons recruté une à deux personnes par an, ce qui est un vrai défi pour trouver des talents en phase avec notre culture d'entreprise.

Nous évaluons avant tout les soft skills et l'intelligence émotionnelle des candidats. En dix ans, nous n'avons commis que deux erreurs de recrutement. Tous les autres sont restés, ce qui témoigne de l'importance de bien choisir nos collaborateurs.

Comment évaluez-vous l'intelligence émotionnelle d'un candidat ?

Je me suis inspiré de tests américains déjà existants. Nous faisons passer des tests de personnalité et des mises en situation. L'idée est d'observer les candidats face à des scénarios réalistes. Ils ne connaissent pas encore nos méthodes, mais cela nous permet de repérer ceux qui ont une approche analytique, ceux qui en font trop et surtout ceux qui, en plus des compétences techniques, sont capables d'apporter une dimension émotionnelle à leurs interactions.

Lors de l'entretien, je leur demande aussi d'analyser un service client catastrophique et de proposer des solutions d'amélioration. Cet exercice nous aide à identifier leur capacité à comprendre et à transformer une expérience client négative en une expérience réussie.

Vous mettez également en place des formations ?

Bien sûr ! Nous documentons toutes nos pratiques et le temps d'onboarding est volontairement long. Les nouveaux collaborateurs doivent prendre le temps d'écouter et d'observer avant de se lancer. Nous leur demandons aussi de rencontrer toutes les équipes afin de comprendre l'ensemble du fonctionnement de l'entreprise.

Chaque semaine, nous organisons des sessions où nous expliquons un métier ou un sujet de culture générale. Par exemple, nous avons récemment abordé ce qu'est un bail de mobilité. Même si ce n'est pas directement lié à notre travail quotidien, ces connaissances permettent d'approfondir notre expertise et d'améliorer l'expérience client.

Comment convaincre les directions de l'importance du service client ?

Les dirigeants doivent comprendre ce que cela signifie de parler aux clients au quotidien. Il y a parfois un décalage entre la vision stratégique et la réalité du terrain. Pour réduire cet écart, j'invite régulièrement des membres de la direction à passer une journée avec notre équipe bonheur.

Cette immersion permet un double bénéfice : la vision de l'entreprise redescend vers les équipes et, en parallèle, les problématiques terrain remontent directement à la direction. C'est ainsi que l'on parvient à travailler main dans la main.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Je me lance dans une nouvelle aventure, La Grande Table, et je vais être moins impliqué dans l'opérationnel. J'ai donc voulu transmettre tout mon savoir à la team bonheur, pour qu'elle continue à performer et à innover. Ce livre est à la fois un guide et un témoignage de notre philosophie : placer l'humain au coeur de la relation client.