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Caroline Adam, SP2C : "Ce sont jusqu'à 55 000 emplois menacés"

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à

Caroline Adam, déléguée générale du syndicat des centres d'appel, réagit à l'adoption par le Sénat de la loi interdisant le démarchage téléphonique à froid, votée le 21 mai. Une mesure qui, selon elle, n'est pas sans risque pour l'emploi dans le secteur de la relation client. Analyse.

Où en est-on exactement concernant la réglementation téléphonique ?

Nous assistons actuellement à un véritable changement de paradigme. La nouvelle loi, adoptée le 21 mai dernier après plusieurs lectures parlementaires - relativement rapides - entérine l'interdiction de la prospection commerciale téléphonique à froid. Concrètement, cela signifie qu'il est désormais uniquement possible d'appeler des clients dans certaines conditions, ou si le consommateur a donné son consentement explicite pour être démarché à des dates et heures précises.

Cependant, le 26 mai dernier, le groupe LFI a saisi le Conseil constitutionnel au sujet de la présomption d'innocence. Cette saisine pourrait ouvrir la voie à d'autres contributions visant à contester la conformité de l'article avec la Constitution. En l'état actuel, pour des secteurs comme la rénovation énergétique, il ne reste plus que le porte-à-porte comme mode de prospection, ce qui peut être perçu comme une entrave à la liberté de commerce.

Nous en sommes là aujourd'hui. Par la suite, un arrêté ministériel est prévu pour exclure certains numéros polyvalents dans des secteurs spécifiques - comme le service public (France Travail, CPAM, don du sang, etc.). L'objectif est de revoir cet arrêté afin de permettre des exceptions sectorielles.

Enfin, un autre point de blocage concerne le décret d'application, notamment sur les jours, horaires et fréquences autorisés pour les appels de prospection téléphonique et la génération de leads. Ce cadre existe déjà depuis 2023, mais il mériterait d'être assoupli. Il faudra aussi être attentif à la volonté de certains politiques d'encadrer le démarchage en BtoB. Une proposition de loi portée par les députés communistes vise à interdire la vente de données de dirigeants, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour de nombreuses entreprises.

Quelles sont les problématiques que vous identifiez dans ces législations ?

La première problématique, c'est que des règles existaient déjà - sans empêcher les fraudeurs d'agir. Les consommateurs continuent donc à être harcelés. Prenons l'exemple de l'Allemagne : la pratqiue de l'opt-in y est en place depuis dix ans, mais ce n'est que depuis deux ans, grâce à une lutte efficace contre la fraude, que les consommateurs déclarent être moins sollicités. Soyons clairs : aucune marque française sérieuse ne souhaite harceler ses clients. Il faut donc concentrer les efforts sur les fraudeurs.

La deuxième problématique concerne les bots. Nous militons pour une solution qui laisserait le choix au consommateur, ce qui permettrait de préserver une forme d'équilibre dans la relation commerciale.

Quelles seront les conséquences sur l'emploi ?

Nous avons obtenu que la mise en oeuvre de la loi soit reportée au 11 août 2026. Cela permettra de mettre fin au dispositif Bloctel, qui coûte 3 millions d'euros à l'État, mais aussi de laisser aux entreprises le temps nécessaire pour s'adapter.

Actuellement, la loi pourrait impacter 8 500 emplois. Cela ne signifie pas nécessairement des plans sociaux, mais plutôt des reconversions professionnelles. En revanche, si l'arrêté et le décret ne sont pas favorables à la profession, ce sont jusqu'à 55 000 emplois qui pourraient être menacés.

Que souhaitez-vous pour la suite ?

Nous espérons, bien entendu, des exceptions sectorielles. Je pense par exemple aux collectes pour le don du sang. Ce qu'il faut absolument éviter, c'est de créer une situation où la loi pénalise encore davantage les acteurs vertueux. L'impact sur l'emploi serait alors considérable. C'est une problématique récurrente en France : ajouter des couches de réglementation sans évaluer au préalable ce qui fonctionne ou non. Il faudrait avant tout cibler les fraudeurs et les sanctionner - même si cela prend plus de temps.

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