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Un client fidèle est-il toujours rentable?

Publié par Daniel Ray et William Sabadie le | Mis à jour le

Faut-il s'acharner à maximiser la satisfaction client afin de fidéliser? Daniel Ray et William Sabadie mettent en doute ce dogme au sein de leur ouvrage "Marketing relationnel", dont voici un extrait, via une étude approfondie des travaux scientifiques de leurs prédécesseurs.

Toute entreprise désireuse d'investir massivement dans la satisfaction, la fidélisation et plus généralement dans des politiques de marketing relationnel doit nécessairement se poser une première question préalable: fidéliser ses clients est-il réellement plus rentable que d'en conquérir de nouveaux? [...] Mais répondre à cette première question fondamentale ne peut se faire qu'en ayant défini clairement, au préalable, ce qu'est la "fidélité" d'un client. En effet, selon les définitions, la rentabilité peut être ou non au rendez-vous... ce qui expliquerait pourquoi certaines entreprises se plaignent du manque de rentabilité de leurs politiques de fidélisation.

Qu'est-ce que la fidélité d'un client?

[...] La fidélité constitue un sujet central depuis fort longtemps (selon Copeland, 1923), et a fait l'objet de très nombreuses définitions: dès 1978, Jacoby et Chesnut en recensaient déjà plus de 53! Celles-ci sont classiquement regroupées autour de trois visions: une vision comportementale (rachat), une vision attitudinale (préférence) et une vision duale regroupant les deux approches précédentes. Si la vision comportementale a été longtemps dominante, Day, dès 19693, critique l'utilisation de mesures de fidélité réalisées uniquement à partir de comportements d'achat. Il argue que celles-ci ne permettent pas de distinguer la vraie fidélité de la fausse fidélité. "Ce type d'acheteurs pseudo fidèles n'a aucun attachement à la marque, et peut être immédiatement capturé par un concurrent qui propose une meilleure alternative... ". En ajoutant une mesure attitudinale aux indicateurs comportementaux, Day obtient ainsi une prévision deux fois meilleure que celle issue d'une mesure simplement comportementale.

L'approche duale (ou composite) de la fidélité propose donc une vision fondée, d'après Dick et Basu (1994), sur la relation entre le choix répété et l'attitude relative. Comme le synthétise très bien Trinquecoste (1996) on peut considérer que la fidélité "s'exprime par les comportements de consommation et s'explique par les attitudes favorables des consommateurs à l'égard des produits ou de la marque". En croisant ces deux dimensions, Dick et Basu distinguent quatre types de fidélité.


L'apport central de la vision duale de la fidélité réside dans le fait de ne plus confondre vraie et pseudo-fidélité. Ce distinguo, qui peut paraître subtil voire purement théorique en première analyse, se révèle pourtant fondamental dans la pratique. En effet, comme nous le verrons, seule la vraie fidélité est susceptible de générer un effet multiplicateur sur la rentabilité. Voilà pourquoi nous retiendrons ici une définition devenue classique aujourd'hui, mais qui recouvre bien l'ensemble du concept: "Un engagement profond poussant le consommateur à réacheter invariablement dans le futur un produit ou un service qu'il préfère, et ce en dépit des influences situationnelles ou des actions marketing qui pourraient l'en détourner " (selon Oliver, 1997).

La fidélité est donc un comportement qui s'exprime au cours du temps et par lequel un individu sélectionne un fournisseur malgré une ou plusieurs alternatives. Ce comportement est biaisé (i.e. il n'est pas aléatoire) et résulte d'un processus psychologique. Un client fidèle s'est ainsi construit des barrières psychologiques à la sortie qui protègent l'entreprise des offres concurrentes. Une stratégie de (vraie) fidélisation visera donc idéalement à reproduire une situation de " monopole ", au même titre que l'innovation, grâce à laquelle le client choisit de privilégier l'entreprise.

Fidélité ne rime pas forcément avec rentabilité

"Quel que soit le contexte, une entreprise ne doit pas considérer comme acquis le fait que fidéliser ses clients soit systématiquement rentable " (selon Reinartz et Kumar, 2002). Une telle affirmation va certes contre les idées reçues et les simplifications outrancières ("Il faut fidéliser!") permettant d'éviter de se poser les vraies questions. Mais fort des problèmes de définition évoqués ci-dessus, on comprend mieux la complexité des liens fidélité-profit, et donc toute l'importance et toute l'actualité de cette affirmation. En effet, selon la définition retenue, les liens s'avèrent très différents. De plus, comme sous le même terme de "rentabilité", de nombreuses mesures différentes sont utilisées (rentabilité par client, ROI, ROA, Ebitda, cash-flow, q de Tobin, valeur de l'entreprise, cours de Bourse, etc.), dégager une tendance claire devient particulièrement difficile.

"Marketing relationnel" est paru en 2016 aux éditions Dunod (340 pages, 28 euros).
Les auteurs


Daniel Ray est docteur en sciences de gestion, professeur de marketing et directeur de l'institut du capital client à Grenable École de maganement. Il est également cocréateur ddu Customer Orientation Score (COS), outil de mesure scientifique de la culture client d'une entreprise.




William Sabadie est docteur en sciences de gestion et agrégés des Universités. Il est professeur à l'IAE Lyon School of management-université Jean Moulin et cotitulaire d'une chaire sur la valorisation des organisations coopératives.






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